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d’un futur congrès. La France était appelée à ce congrès, mais lorsque ses plénipotentiaires y arrivèrent, ils trouvèrent que des passions que le traité du 30 mai devait avoir éteintes, que des préventions qu’il devait avoir dissipées, s’étaient ranimées depuis sa conclusion, et peut-être même par une suite des regrets qu’il avait laissés aux puissances.

Aussi continuaient-elles à se qualifier d’alliées, comme si la guerre eût encore duré. Arrivées les premières à Vienne, elles y avaient pris, par écrit, dans des protocoles dont la légation française soupçonna l’existence dès les premiers temps, mais qu’elle ne put connaître que plus de quatre mois après, l’engagement de n’admettre l’intervention de la France que pour la forme.

Deux de ces protocoles, qui sont sous les yeux de votre majesté et qui sont datés du 22 septembre 1814[1], portaient en substance :

« Que les puissances alliées prendraient l’initiative sur tous les objets qui seraient à discuter (sous le nom de puissances alliées étaient seulement désignées : l’Autriche, la Russie, l’Angleterre et la Prusse, parce que ces quatre puissances étaient plus étroitement unies entre elles qu’avec aucune autre, tant par leurs traités que par leurs vues) ;

« Qu’elles devraient seules convenir entre elles de la distribution des provinces disponibles, mais que la France et l’Espagne seraient admises à énoncer leurs avis et proposer leurs objections, qui seraient alors discutées avec elles ;

« Que les plénipotentiaires des quatre puissances n’entreraient en conférence avec ceux des deux autres, sur ce qui était relatif à la distribution territoriale du duché de Varsovie, à celle de l’Allemagne et à celle de l’Italie, qu’à mesure qu’ils auraient terminé entièrement et jusqu’à un parfait accord entre eux chacun de ces trois points. »

On voulait donc que la France jouât au congrès un rôle purement passif; elle devait être simple spectatrice de ce que l’on y voulait faire, plutôt qu’elle ne devait y prendre part. Elle était toujours l’objet d’une défiance que nourrissait le souvenir de ses envahissemens successifs, et d’une animosité qu’excitait le sentiment des maux que, si récemment encore, elle avait répandus sur l’Europe. On n’avait point cessé de la craindre, on était encore effrayé de sa force, et l’on croyait ne pouvoir trouver de sécurité qu’en coordonnant l’Europe dans un système uniquement dirigé contre elle. La coalition enfin subsistait toujours.

Votre Majesté me permettra de me rappeler avec quelque plaisir

  1. Voir d’Angeberg, p. 249.