Le manifeste publié au nomade la convention de Cincinnati était beaucoup moins étendu que le manifeste républicain. Après avoir flétri ce qu’elle appelait la grande fraude de 1876 et condamné en termes d’une extrême violence l’administration de M. Hayes, la convention démocratique payait un pompeux tribut d’hommages à M. Tilden, à l’occasion de sa retraite volontaire de la vie publique. Elle faisait honneur à la majorité démocratique du congrès des réductions opérées dans les dépenses nationales ; elle se prononçait contre l’émigration chinoise et pour la réforme administrative. Il va sans dire qu’elle rappelait et affirmait les doctrines traditionnelles du parti sur la subordination du pouvoir militaire aux autorités civiles, sur les droits et l’autonomie des états, et sur les vices et les dangers de la centralisation. Le paragraphe capital de ce manifeste était le quatrième, ainsi libellé : « Nous demandons l’économie, une circulation honnête, composée d’or, d’argent et de papier convertible en espèces à première demande, le maintien strict de la foi publique, de la part des états et de la nation, et un tarif établi seulement en vue du revenu. » Ce fut sur l’interprétation à donner aux termes assez ambigus de ce paragraphe que porta le fort de la lutte électorale.
La désignation de M. Garfield fut accueillie avec une grande froideur par une fraction considérable du parti républicain. Dans le Sud, les affranchis ne dissimulèrent pas leur désappointement, et les républicains qui avaient compté sur la reconnaissance des nègres envers le général Grant pour lutter avec des chances sérieuses de succès dans la Floride, dans la Caroline du Sud et même dans la Virginie occidentale, durent abandonner toute espérance de ce côté. On remarqua que le général Grant n’adressa point, comme les bienséances l’exigeaient, de lettre de félicitation à M. Garfield : il partit immédiatement pour une tournée d’exploration dans le Nouveau-Mexique et le Colorado. Les plus influens de ses amis semblèrent également vouloir s’abstenir. M. Cameron déclina la présidence du comité électoral national, que M. Garfield était allé en personne lui offrir, et il alla prendre les eaux dans les Alleghanys ; M. Conkling se rendit aux bains de mer. Enfin, en dehors des fonctionnaires sur lesquels M. Sherman et les autres ministres exercèrent une pression irrésistible, les listes de souscription ouvertes pour subvenir aux dépenses de l’élection rencontrèrent d’abord peu de signataires. L’opinion s’accrédita que la convention de Chicago n’avait pas eu la main heureuse. Les démocrates, au contraire, n’auraient pu faire un meilleur choix. Le général Winfield Scott Hancock, aujourd’hui âgé de cinquante-six ans, est un ancien élève de l’école militaire de West-Point; il a conquis