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Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 45.djvu/170

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commerciale de l’ancienne métropole du Rhône où « le riche Orient, l’odorante Arabie, l’élégante Assyrie, la fertile Afrique ; la belle Espagne, la valeureuse Gaule apportaient leurs plus précieux trésors et les y entassaient en si grande abondance que l’on pouvait considérer comme naturels à cette ville tous les produits qui sont l’honneur de toutes ces contrées. »

Deux routes s’offraient alors aux navires de mer qui se rendaient à Arles : l’une par le Rhône, c’était celle des allèges, des tartanes à faible tirant d’eau, de toutes les embarcations que nous appelons aujourd’hui des barques de petit cabotage et qui pouvaient franchir sans peine les passes déjà envasées des embouchures ; l’autre parle grau de Galéjon, largement ouvert sur la mer et qui permettait d’arriver dans la rade intérieure, comme on pouvait encore le faire il y a moins de trois siècles, avant que les étangs fussent desséchés. Il y avait ainsi deux ports distincts, l’un sur le fleuve, l’autre sur la lagune vive et les étangs ; le premier était celui des nautoniers du Rhône et de la Durance, nautœ Rhodanici, Druentici ; le second celui des utriculaires, qui naviguaient sur les parties les moins profondes de la lagune, utricularii, et des marins proprement dits, navicularii marini. A chacune de ces navigations différentes correspondait une flotte spéciale. On en comptait trois : une flotte maritime, une flotte fluviale, une flotte paludéenne ; et la situation d’Arles, noyée dans la lagune du Rhône, était tout à fait comparable à celle qui existait à la même époque à Narbonne dans la lagune de l’Aude, à Ravenne dans celle du Pô, et que l’on voit encore de nos jours entre Venise et l’Adriatique, Centre Amsterdam et la mer du Nord.


II

Le Rhône moderne se divise aujourd’hui, un peu en amont d’Arles, en deux bras bordés de digues insubmersibles qui comprennent une île triangulaire, la Camargue, de 75,000 hectares de superficie. Le grand Rhône, celui de droite, passe à Arles et débouche à la mer à 8 kilomètres en aval de la tour Saint-Louis ; le petit Rhône, celui de gauche, passe à Saint-Gilles et se termine à la plage des Saintes-Mariés. Au centre du delta se trouve un vaste étang, le Valcarès, dont la superficie est de 12,000 hectares et dont la profondeur varie de 1 à 2 mètres. Autour de cet étang, un dédale de lagunes mortes, de marais salans et de petites dunes stériles et mouvantes occupe une étendue de près de 8,000 hectares ; c’est la basse Camargue, zone presque déserte et inculte, séparée du domaine maritime par une mince crête de sable que les