vagues franchissent quelquefois pendant les tempêtes. Une digue récente a été construite sur ce bourrelet naturel et met ainsi l’île à l’abri des coups de mer. Telle est la Camargue d’aujourd’hui, bien différente de ce qu’elle était au commencement de notre ère. Non-seulement le delta était beaucoup moins développé et la limite de la mer était plus rapprochée de la pointe de l’île, mais le Valcarès, qui n’est plus qu’une grande mare où croupit sans écoulement une eau saumâtre et impure, communiquait alors librement avec la mer et devait assez ressembler à notre bassin d’Arcachon, situé au nord de la plaine des Landes.
Pline le naturaliste parle d’une peuplade du nom d’Anatiliens, regio Anatiliorum, qui habitait cette zone extrême de la Provence ; et, bien qu’on soit réduit à de simples conjecturés sur l’emplacement et même sur la réalité de la ville d’Anatilia, mentionnée par quelques géographes, il est assez probable qu’un ou plusieurs centres de population ont existé sur les bords du Valcarès. Sous la vase du marécage moderne, on a trouvé à plusieurs reprises des poteries variées et quelques médailles du haut et du bas empire, des pierres de grand appareil, de nombreuses jarres funéraires de fabrication hispano-grecque et qui portent tous les caractères de l’époque gallo-romaine. Une exploration récente a même permis de reconnaître sur la rive orientale de l’étang une très grande quantité d’amphores plus ou moins intactes, à moitié enfouies dans la vase, amoncelées à côté de blocs de pierres de taille régulièrement alignés, comme si un navire chargé de produits céramiques avait coulé à pic en cet endroit le long du quai antique. Sur la rive septentrionale de l’étang, on a trouvé disséminés des vestiges du même genre et surtout de ces tuiles à rebord si communes dans les habitations romaines, des fragmens de mosaïque et des substructions en maçonnerie assez considérables pour que les pierres aient pu être utilisées comme matériaux de construction dans un pays de sable et de marais qui en est, par sa nature, absolument dépourvu.
Quelques bras, aujourd’hui atterris, du Rhône débouchaient autrefois dans le golfe du Valcarès. Là devait finir la navigation maritime et commencer la navigation rhodanienne. Sur ces rives désertes depuis quinze siècles se trouvaient des constructions importantes, des entrepôts, peut-être même de véritables quais ; et il n’est peut-être pas dès lors trop téméraire d’y placer la ville un peu problématique d’Anatilia, qui aurait été la première station des navires à destination des emporia d’Arles, de Vienne, de Lyon et du centre de la Gaule.
La région maritime du Bas-Rhône présentait alors, comme on le voit, un aspect bien différent de l’appareil littoral moderne ; mais