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commerce et les affaires prospéraient. C’est donc au tour de l’industrie et du commerce et de la richesse mobilière de venir au secours de l’agriculture aux abois par des concessions qui ne seraient, après tout, que le sacrifice de faveurs toutes spéciales et le retour au droit commun.

Dans quelle mesure et sous quelle forme une indemnité, une compensation doivent-elles être données à l’agriculture ?

Quelle serait la somme d’argent nécessaire pour aider efficacement les agriculteurs ?

D’après les estimations qui paraissent les plus modérées, le prix de revient, c’est-à-dire sans bénéfice, du blé en France serait en moyenne de 27 fr. 50 le quintal métrique ou de 20 fr. 50 l’hectolitre. Le prix du blé américain rendu au Havre varierait, selon les diverses autorités, de 14 à 18 francs l’hectolitre[1].

Le producteur de blé américain est donc en avance sur le producteur français. Lors même que quelque inexactitude ou quelque exagération se serait glissée dans ces chiffres, il reste un écart certain. Cet écart nous a coûté en trois années de mauvaises récoltes 750 millions. Il n’en sera pas ainsi chaque année, mais chaque période décennale pourrait bien donner à peu près les mêmes résultats généraux.

Désormais les consommateurs français et tous les amateurs de popularité réclameront le blé à 18 fr. l’hectolitre ; et pour satisfaire les producteurs français il faudrait le maintenir au-dessus de 22 francs l’hectolitre. Afin d’arriver à une solution plus ou moins approximative, les uns proposent de sacrifier les agriculteurs, les autres de sacrifier les consommateurs, quelques-uns de partager également le fardeau. Dans ce dessein, on présente trois systèmes :

1° Celui de la protection douanière ;

2° Celui du dégrèvement d’impôts ;

3° Celui de l’égalité réelle, soit dans la protection modérée, soit dans le libre échange complet.

Enfin reste le statu quo actuel, qui est ruineux pour les agriculteurs.


V

Le système le plus communément recommandé pour favoriser les intérêts agricoles est la protection douanière plus ou moins déguisée sous le nom de droits compensateurs : c’est un procédé simple,

  1. Journal des Économistes, décembre 1880, page 470, brochure et discours de M. Chotteau.