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rail moderne, dont les exigences sont beaucoup plus impérieuses ? On pouvait se risquer à sortir de l’ornière sans trop de danger, tandis qu’on ne saurait dérailler sans péril de la vie.


VI

Le second moyen proposé consiste en dégrèvemens de l’impôt foncier. Un homme s’est rencontré qui n’a pas craint, l’année dernière au comice agricole d’Éprunes, et tout récemment dans la réunion du centre gauche, de proposer un large dégrèvement de l’impôt foncier, l’arche sainte à laquelle personne n’osait toucher. Ces propositions de dégrèvemens resteront-elles à l’état de promesse, de leurre fugitif ? Nous verrons bien. En attendant, ce qui est dit est dit, qui plus est, fort bien dit, et encore mieux écouté. M. le président du sénat a parlé d’or. Mais ce n’est pas là une mince affaire, et il y a bien lieu de réfléchir avant de se lancer sur cette voie, où il sera difficile de faire machine en arrière.

Bien parti sur son chemin rural de Damas, M. Léon Say ne va pas assez loin. Le dégrèvement qu’il propose sur l’impôt foncier se réduit à 40 millions de francs par an, ce qui attribuerait en moyenne à chacun de nos quatre-vingt-six département un allégement d’impôt de 460,000 francs, soit de 0 fr. 81 par hectare en moyenne et de 2 fr. 93 au maximum pour quelques cultures exceptionnelles du département du Nord, ainsi que l’a fort bien dit M. le marquis de Dampierre[1]. Quoiqu’il faille se défier des grandes moyennes, il reste évident qu’un tel secours accordé à la culture est presque dérisoire. Il y a loin de là aux 300 ou 400 millions qui seraient nécessaires pour trancher le différend qui existe entre la consommation générale et la production agricole, rien que sur la question spéciale du blé.

Nous savons que cette somme de 300 ou de 400 millions dépasse le principal de l’impôt foncier, qui sans les centimes additionnels est de 170 millions de francs, dont 120 millions seulement pour les propriétés rurales. Le budget de 1882 porte l’impôt foncier, centimes compris, à 356 millions de francs[2].

Les difficultés pratiques du dégrèvement, bien que fort grandes, sont-elles insurmontables ? L’idée bonne et juste en soi serait utile à appliquer à un degré quelconque, isolément ou conjointement avec d’autres combinaisons. Sans vouloir pousser la discussion plus loin que de raison, il nous suffira de dire que le dégrèvement proposé de

  1. Lettre publiée dans le Journal de l’agriculture du 12 mars 1881, page 417.
  2. Discours de M. Léon Say, à la réunion du centre gauche.