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c’est ce qui en fait la faiblesse. L’introduction de la politique dans l’école ne pouvait avoir et n’eut pas, — on le prouvera, — d’autre résultat. Une fois lancée, l’idée ne fut pas perdue. La législative l’hérita de la constituante et la convention de la législative. Triste legs et qui n’est pas assurément pour nous donner une haute idée de la clairvoyance de l’évêque d’Autun. Il était réservé à cet esprit éminent à tant d’autres égards, d’être en pédagogie l’éditeur de la doctrine la plus anarchique et la plus dissolvante.

Le rapport et le projet de Condorcet. — De Mirabeau à Talleyrand l’écart est déjà grand ; de Talleyrand à Condorcet, de la constituante à la législative, il y a tout un monde. Nous ne sommes plus ici dans le réel et dans le possible ; nous voguons en pleine chimère, nous planons dans l’espace à des hauteurs où l’idéologie pouvait seule atteindre. Étrange destinée que celle de ces girondins : ils traversent la révolution, comme des météores, et n’y laissent d’autre trace de leur passage qu’un merveilleux éclat. Orateurs, écrivains, philosophes, ils brillent dans tous les genres, et vous ne trouveriez pas une œuvre, pas une solution qui leur appartienne en propre. Avec Mirabeau la révolution avait perdu l’esprit le plus pratique et le plus organisateur qu’elle ait eu : je cherche vainement ce qu’elle perdit en Vergniaud. S’il eût vécu, comme Sieyès, Lamartine eût fait un autre roman, et c’est tout ce qu’il en serait advenu.

Le rapport de Condorcet a plus d’un point de ressemblance avec celui de Talleyrand ; comme lui, il débute par des considérations générales : « L’instruction doit être universelle, embrasser toutes les sciences, assurer aux hommes de tous les âges de la vie la facilité de conserver leurs connaissances et d’en acquérir de nouvelles. » De même aussi que chez Talleyrand, ce qui séduit à première vue chez Condorcet, c’est l’ampleur et la beauté des proportions. Ses divisions sont irréprochables : quatre degrés d’instruction, des écoles primaires, des écoles secondaires, des instituts, des lycées et, pour diriger tous ces établissemens, une société nationale des sciences et des arts. On n’a guère fait mieux de nos jours. Au lieu d’écoles secondaires, lisez écoles primaires supérieures ; au lieu d’instituts, collèges ; au lieu de lycées, facultés, et vous verrez que cette organisation ne diffère pas sensiblement de la nôtre.

Les écoles du premier degré seront établies non plus au canton, mais dans chaque village de quatre cents habitans ; les écoles secondaires dans chaque district et dans les villes comptant quatre mille habitans. Les instituts seront au nombre de cent dix, un au moins pas département, les lycées, au nombre de neuf, dans les centres les plus importans.

Ces quatre degrés d’instruction seront entièrement gratuits. En effet, « si la constitution n’a établi la gratuité que pour le premier