de l’oubli profond où elles dorment. Un seul projet, pendant ce long accès de folie, mérite quelque attention, celui de la commission des neuf[1]. Le principal auteur et le rapporteur de ce projet, Romme, avait été, bien que montagnard et des plus ardens, un des collaborateurs de Condorcet dans le comité d’instruction publique de l’assemblée législative, et il en avait retenu quelque chose. Sur bien des points, ses idées se rapprochent de celles du célèbre girondin. Il est comme lui grand partisan de la gratuité et de ce que nous appellerions aujourd’hui la laïcité ; il veut aussi, comme Condorcet, une première école par village de 400 habitans et plusieurs degrés d’enseignement ; enfin et surtout, il a la même prédilection pour les sciences. Nous avons sous les yeux le tableau « des objets qui sont enseignés dans les écoles nationales pour préparer l’homme à l’exercice de ses droits, à la connaissance de ses devoirs et à une profession utile ; » tel est le titre exact d’une pièce annexée au projet de la commission des neuf ; à part deux ou trois, tous ces objets sont scientifiques. L’influence girondine est ici bien manifeste ; il s’en faut pourtant qu’elle soit sans mélange. Le projet de la commission des neuf est bien jacobin en ce sens qu’il détruit toute liberté, toute concurrence. Les seules écoles qu’il admette sont des écoles nationales, tenues par des instituteurs et des institutrices fonctionnaires, dont le choix appartient à des commissions nommées sur la proposition du conseil général de la commune par le directoire du district. Bien plus, il crée plusieurs catégories d’incapables. « Aucun ci-devant noble, aucun ecclésiastique et ministre, d’un culte quelconque ne peut être instituteur national, » lisons-nous dans un article. Un autre étend cette prohibition « aux femmes ci-devant nobles ou ci-devant religieuses, chanoinesses, sœurs grises » et jusqu’aux maîtresses « qui auraient été nommées dans les anciennes écoles par des ecclésiastiques ou des ci-devant nobles. »
Nous voilà bien loin du libéralisme de la première, et pourrions-nous ajouter de la dernière heure ; car, à l’exception de ce projet qui fut voté, mais dont la révision fut presque aussitôt après ordonnée, c’est une chose remarquable que le principe de la liberté d’enseignement n’eut pas d’atteinte grave à subir pendant toute la durée de la révolution. Compromis un moment dans la grande tourmente de 1793, son éclipse ne devait pas être de longue durée. Nous le retrouverons prochainement, et cette fois inscrit dans la loi.
ALBERT DURUY.
- ↑ L’ancienne commission des six, dont le nombre avait été porté à neuf.