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reprochent d’effleurer plus de sujets que je n’en creuse. Je croyais qu’ils me sauraient gré de la discrétion avec laquelle mon premier article ménageait leur attention, indiquait à demi-mot le chemin du salut, au lieu de le gravir pas à pas au travers de théories et de détails arides. J’engage maintenant mes premiers lecteurs, si curieux, surtout si bienveillans, à ouvrir une amande avec moi. Nous verrons à l’une de ses extrémités un petit amandier tout formé, quoique minuscule. Il aura tige, collet, racine. Mettons en terre cette amande : le germe (c’est ainsi que s’appelle une plante à cet âge) empruntera à ses cotylédons les élémens nécessaires à son premier développement. De son côté, son rudiment de racine s’allongera en terre pour se créer des ressources personnelles et puiser l’eau nécessaire à sa végétation, tandis que les parties vertes de sa tige enlèveront à l’acide carbonique de l’air le carbone, et à l’eau les sels et l’hydrogène dont elles font leur nourriture.

Voilà le germe et son action. Étudions maintenant un arbre ; voyons s’il ne se compose pas d’une série de germes pareils, reliés en faisceau par un tronc et divisés en branches et en rameaux. Dans ce faisceau ou arbre, prenons un bourgeon sur sa tige, fendons bourgeon et tige comme nous avons fendu l’amande ; de même que, dans le germe, nous verrons les rudimens d’une tige, un collet et, au-dessous, une réunion de fibres qui, selon qu’elles croîtront dans l’aubier ou dans la terre, seront fibres ligneuses ou racines.

La bouture à un œil montre des fibres devenues racines, tandis qu’une greffe en écusson sur rosier permet de suivre les fibres s’enfonçant dans l’aubier, s’en nourrissant et le transformant en bois. J’ai eu entre les mains un exemple curieux de la modification produite par le milieu sur le développement des fibres du bourgeon : une racine de quelques millimètres, sortie d’une bouture à un œil, avait pénétré dans la bouture voisine, entre le bois et l’écorce. Cette racine se transformait si subitement en fibre ligneuse qu’on ne retrouvait sa trace dans aucune des deux boutures.

La preuve que l’accroissement des plantes a lieu par les fibres prolongeant les bourgeons, c’est que, sur les plantes à croissance rapide, on distingue parfaitement l’accumulation des fibres et du cambium sous chaque bourgeon, où ils constituent un renflement s’ aplatissant et entourant la tige à mesure qu’il descend. Qu’une coupe transversale sépare un bourgeon de ses fibres à leur naissance (sans attaquer le bois porteur de la sève ascendante), la sève descendante s’accumulera au-dessus de cette coupe et y formera un bourrelet, tandis que la partie située en dessous et séparée de son alimentation présentera une dépression. C’est le même principe qui fait qu’une incision annulaire fait grossir un fruit par