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à répondre au sujet de la situation de l’Afrique, et encore est-il difficile qu’un débat ainsi engagé ait une sanction sérieuse. À vrai dire, en dehors de l’imprévu qui peut toujours motiver l’intervention d’une assemblée, même d’une assemblée expirante, si on avait simplement consulté la raison, il n’y avait qu’un travail parlementaire dont on eût à s’occuper : c’était le budget. La chambre n’avait pas une manière plus utile, plus digne de clore la session et la législature que de consacrer ses derniers jours à un examen complet, lucide, impartial, de la situation financière de la France. C’était l’essentiel. Tout le reste est stérile, et de tous ces projets qui sont votés ou qui passent à demi, à travers l’inattention universelle, il est bien clair que la plupart sont destinés à disparaître ou n’iront pas même jusqu’au bout des épreuves parlementaires. Rien ne montre mieux ce qu’il y a de diffus et d’inutile dans ce travail d’une assemblée, en déclin que ce qui s’est passé à propos de cet éternel projet militaire, proposant la réduction du service à trois années. Tout compte fait, il y a bien aujourd’hui à l’étude ou en discussion, au palais Bourbon et au Luxembourg, quatre ou cinq projets militaires, dont pas un ne paraît avoir la chance de devenir prochainement une réalité législative, — et celui qui est relatif à la réduction des années de service moins que tout autre. On a discuté, voté, amendé à la chambre, on a si bien fait que, selon le mot de M. le ministre de la guerre, rien ne tenait plus debout. N’importe, la proposition, renvoyée une fois de plus à la commission, reviendra peut-être, car il faut bien prouver aux électeurs qu’on est plein de zèle pour eux, qu’on veut leur épargner un trop long service militaire. A quoi cependant, cela peut-il servir sérieusement ? On sait que la proposition, fût-elle adoptée par la chambre, ne sera pas ratifiée par le sénat, et, d’un autre côté, cette loi sur l’avancement dans l’armée, que le sénat discute en ce moment même, qui est bien plus mûrie, la chambre n’aura, pas le temps de l’examiner. On ne votera, c’est évident, ni la réduction du service, ni la loi sur l’avancement, ni le projet partiel relatif à la suppression des exemptions, ni la loi sur l’administration militaire. On se débat pour rien. Tout cela sera à recommencer avec une législature nouvelle, avec des pouvoirs nouveaux, et quand on recommencera, la première condition sera de savoir ce qu’on fait, de procéder avec un peu plus de méthode, de coordonner toute cette législation militaire où depuis trop longtemps l’arbitraire fleurit dans l’incohérence et la contradiction.

Pour le moment, cette législature qui va finir ne peut plus rien, et il est bien clair que déjà, même avant que les chambres soient séparées, les esprits sont ailleurs. La campagne des élections, sans être précisément engagée, se dessine par degrés, plus ou moins distinctement, à propos de tout. Elle était à peu près inaugurée il y a quelques semaines par M. le président de la chambre des députés dans son voyage de Cahors, dans ce voyage qui, à la vérité, n’a peut-être pas porté