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forme de crédits extraordinaires ou supplémentaires. Il manquait encore 17 millions : où les trouver ?

Par suite des ravages du phylloxéra dans nos provinces méridionales, l’importation des vins étrangers a pris en 1879 et 1880 un développement vraiment extraordinaire ; la seule importation des vins italiens est montée de 300,000 hectolitres à plus de 2 millions. Le ministre des finances, avec une prudence à laquelle il convient de rendre hommage, avait considéré que ces importations, conséquences de faits exceptionnels, ne se maintiendraient pas au même niveau, et il avait cru devoir réduire de 10 millions le produit présumé des droits à percevoir en 1882 sur les vins étrangers. La commission du budget a taxé le ministre d’un optimisme excessif ; elle a décidé que nos vignobles ne pouvaient et ne devaient pas guérir du fléau qui les a frappés, et elle a rétabli les 10 millions que le ministre avait retranchés de ses prévisions. Elle a également inscrit aux recettes 5 millions à provenir de l’application du nouveau tarif général des douanes, bien que l’on ignore encore dans quelle mesure ce tarif sera appliqué et quelle influence il exercera sur le revenu. Enfin, en élevant de 4 millions et demi le produit présumé de l’impôt sur les sucres, la commission a obtenu les 36 millions dont elle avait besoin ; et déduction faite des dégrèvemens qu’elle jugeait indispensable d’opérer, le budget s’est trouvé présenter un excédent de recettes de 600,000 francs.

Nous ne croyons pas qu’on puisse trouver dans l’histoire financière des soixante dernières années un seul exemple d’un budget présenté avec un excédent de recettes aussi faible, même aux temps où les dépenses publiques n’étaient que le tiers ou la moitié de ce qu’elles sont devenues aujourd’hui. Personne n’oserait soutenir qu’en alignant de tels chiffres on ait fait, au moindre degré, la part de la prudence. La commission du budget n’a pu s’abuser sur ce point : elle a escompté, implicitement et sans l’avouer, les plus-values des recettes qu’elle a fait miroiter aux yeux de la chambre : elle les considère comme inévitables et elle se repose sur elles pour suppléer à l’imprévoyance législative. La discussion qui vient d’avoir lieu a dû montrer à la commission tous les dangers d’une semblable conduite : il s’est trouvé tout aussitôt des gens pour renchérir sur son optimisme, pour escompter plus hardiment encore les plus-values espérées. On a fait décider par la chambre que l’état prendrait à sa charge, outre les à centimes additionnels dont la commission dégrevait les communes, le cinquième que ces mêmes communes devaient prélever sur leur revenu ordinaire, pour les dépenses de l’instruction primaire : la totalité de ces dépenses pèsera donc désormais sur le budget. Cette nouvelle dépense de 6