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desquels on aurait tendu un vélarium au-dessus de cette cour ; mais ni dans les planches gravées qui représentent cet édifice, ni dans les photographies, nous n’avons réussi à trouver la moindre trace des trous qui auraient servi à l’insertion de ces supports.

Quelle qu’ait pu être la destination de ces consoles, ce qu’elles ont de très curieux, ce sont les bustes en ronde bosse qui sont interposés entre les deux dalles dont elles se composent. Ces personnages paraissent couchés à plat ventre sur la dalle inférieure, où s’appuient leurs bras ; leurs têtes se redressent avec effort pour soutenir la dalle supérieure, au-dessus de laquelle est ménagé dans le mur une sorte de tableau. Si frustes que soient maintenant ces images, on y reconnaît ou plutôt on y devine encore, à l’attitude des figures, prosternées et comme écrasées sous ce fardeau, des vaincus, des prisonniers, semblables à ceux qui, dans les bas-reliefs, s’allongent et s’aplatissent sur le sol, la nuque pressée sous le pied de leur vainqueur. Ce motif est ici des mieux choisis et tout à fait à sa place, dans un édifice qui, par le caractère général de sa disposition et de ses lignes, tient tout à la fois de la forteresse et de l’arc de triomphe.

Quel que soit le type architectural dont s’est inspiré le constructeur du pavillon, il est difficile d’admettre que l’on ait jamais tiré parti d’un pareil édifice. Le monument n’a point été bâti, croyons-nous, pour être habité d’une manière permanent ; mais il n’en faudrait pas conclure que ces pièces si bien éclairées et si richement décorées n’aient pas été utilisées, qu’elles ne l’aient pas été tout au moins à certaines heures et dans certaines circonstances déterminées. Les planchers du premier et du second étage ont disparu ; mais ce qui prouve qu’ils ont existé, ce sont les escaliers, qui subsistent encore en partie. Les planchers étaient en bois, les escaliers en pierre. Un aménagement aussi complet semble indiquer que l’on voulait pouvoir, au besoin, se servir de toutes les pièces, de celles d’en haut comme de celles d’en bas. Il est possible que l’on ait mis ces appartemens à profit pour les réunions de princes et de vassaux que ramenait, plusieurs fois par an, l’accomplissement des rites funéraires. Dans ces salles, richement meublées, les personnages d’un certain rang pouvaient tout à f aise se rassembler et se grouper suivant certaines règles traditionnelles, en attendant le moment où ils joueraient leur rôle dans la cérémonie qui se préparait.

Si le pavillon de Medinet-Abou n’a pas droit au titre de palais, si nous ne devons pas y chercher la royale demeure où Ramsès III venait se reposer dans l’intervalle de ses rudes campagnes, l’étude que nous avons entreprise ne nous en a pas moins fourni quelques renseignemens qui ont leur intérêt ; elle nous a fait saisir sur le vif