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chose comme le couronnement de l’œuvre d’édification et de moralisation si heureusement propagée par les concerts Pasdeloup et Colonne.

En ce sens, l’institution d’un Opéra populaire s’imposait bien autrement et de plus haut que l’établissement d’un Théâtre-Lyrique, et c’est ce que le conseil municipal aura compris, car il va sans dire que, dans cette idée toute d’avenir et de progrès, le ministère des beaux-arts n’entre pour rien ; bien plutôt serait-il tenté de s’en défendre. Voyez plutôt M. Turquet, le plus naïf et le mieux intentionné des sous-secrétaires d’état ; un député dont la compétence ne nous inspirerait point grande confiance, mais que vaguement son instinct avertit, M. Beauquier, saisit la chambre de la question : « Depuis plusieurs années, on a présenté à la chambre diverses propositions tendant au rétablissement du Théâtre-Lyrique ; je ne viens pas vous demander le relèvement de ce théâtre au moyen d’une subvention, mais on peut obtenir le même résultat par la transformation du cahier des charges de l’Opéra-Comique, de façon à permettre à ce théâtre de jouer le drame lyrique. » A merveille ! Seulement, c’est trop oublier ou trop ignorer que cette permission, il y a beau jour qu’on l’a prise sans se donner la peine d’en référer à personne ; on ne joue même plus que le drame lyrique à l’Opéra-Comique, et M. Turquet, au lieu de s’apercevoir qu’il existe pourtant un genre national dont l’état doit s’occuper et que, si vous laissez, place Favart, le Théâtre-Lyrique se substituer à l’Opéra-Comique, il faudra nécessairement ou renoncer à ce genre de tradition française, ou bien lui trouver ailleurs un mode convenable d’explication, — M. le sous-secrétaire d’état aux beaux-arts répond, toujours amène et souriant : « Vous avez déjà en partie satisfaction, mon cher collègue ; l’administration est en traité avec M. Carvalho pour obtenir ce que vous demandez. » Obtenir quoi ? Qu’on ne joue plus l’opéra comique à l’Opéra-Comique ; mais c’est déjà fait depuis longtemps, monsieur Turquet, et si vous ne vous en êtes pas aperçu, c’est que vous y mettez bien de la bonne volonté. Heureusement tout le monde ne possède pas une complexion si béate ; on rencontre même dans l’administration certains esprits capables de nous prouver que, pour se connaître et s’intéresser aux choses d’art, il n’est point absolument nécessaire de les avoir dans ses attributions, M, Herold, par exemple, l’instigateur de ce prix de la ville de Paris qui en trois ans nous a déjà valu deux partitions telles que le Tasse, de M. Benjamin Godard, et la Tempête, de M. Alphonse Duvernoy ; je soupçonne aussi M. Herold d’être pour quelque chose dans ce mouvement qui, de plus en plus, se prononce en faveur de l’Opéra populaire ; on n’a point inutilement dans les veines le sang de l’auteur de Zampa et du Pré-aux-Clercs, et si la loi de transmission avait besoin d’une démonstration nouvelle, le préfet de la Seine nous la fournirait. Le jour ne saurait être éloigné où d’importans changemens deviendront