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Et, si l’on en pouvait exploiter le granit,
Pour bâtir une ville entière elle en fournit !
Nul poète si haut n’aurait eu son domaine,
Ni raillé comme moi la platitude humaine !
Apostrophant déjà ces possesseurs d’en bas,
Je leur criais : « J’aurai ce que vous n’avez pas !
Que me font vos colzas, vos orges et vos seigles ?
Vous avez des perdrix dans vos champs ? J’ai des aigles !
Chez vous c’est l’alouette, et chez moi le vautour !
L’ours brun monte la garde aux créneaux de ma tour !
Tandis que vous taillez vos petites tonnelles,
J’achète par contrat des neiges éternelles !
Vous n’avez que limons et qu’impurs sédimens :
J’ai du sol vierge encor les premiers fondemens !
Pauvres gens, qui vantez vos bois, vos pâturages !
Mes locataires sont les vents et les orages,
Et la nuée obscure où dort le feu du ciel :
J’ai son courroux direct et confidentiel.
Quand la foudre aux échos lancera sa mitraille,
Je saurai que chez moi, là haut, elle travaille ;
Que ses terribles coups, qui mettent en émoi
Le canton tout entier, sont pour moi, sont à moi !
D’en bas, j’entends sa voix sur les rocs solitaires,
Et comme au Sinaï, Dieu parle sur mes terres ! »

Faut-il conclure, dis ? — Tout bien examiné,
J’attendrai ta réponse au fond du Dauphiné.

RÉPONSE.


Il faut dans tout terrain la place d’une tente.
Je sais à Bougival un chalet qui me tente ;
L’horizon, que l’on touche, expire à Saint-Germain
Mais on y peut monter par un très bon chemin.


EUGENE MANUEL.