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accuseraient inévitablement des traces. Ces traces cependant ne se laissent pas voir, et c’est seulement après le commencement de la craie qu’il devient possible de signaler les premiers indices de différenciation des climats arctique et européen comparés. Nous ne voulons pas dire par là qu’il n’y ait pas eu, dès ce temps-là, d’époque en époque, des changemens et des variations de climat ; mais ces changemens et ces variations tenaient à d’autres causes que le froid latitudinaire ; en un mot, rien ne peut faire penser qu’il y eût alors de la glace sur n’importe quel point du globe, pas plus au pôle que sur le sommet des montagnes. C’est du moins notre conviction, et plus cette absence d’eau solidifiée a été absolue et prolongée, plus aussi on conçoit qu’un semblable phénomène, une fois qu’il eut pris une certaine extension vers le pôle où il faut de toute nécessité placer son point de départ, soit devenu promptement une cause perturbatrice d’une redoutable intensité, destinée à la subversion de l’ordre des choses établi jusque-là. On n’a pas assez compris la portée d’un pareil événement, dès qu’au lieu de se manifester d’une façon sporadique et passagère, il tendit à se localiser et à devenir permanent. Là est sans doute la raison d’être de l’extension glaciaire, com me aussi de l’aspect diluvien qui caractérise le quaternaire. Le froid, ce grand inconnu, avait fini par s’introduire sur la terre ; il avait établi son domaine dans une région déterminée. Comme un fléau qui se déchaîne après être longtemps resté à l’état latent, il réalisait sur une échelle toujours plus grande ce fait qui serait la mort de notre planète s’il venait un jour à s’universaliser, la solidification de l’eau, l’élément générateur de la vie, qui ne se maintient que par lui.

Mais revenons à la vallée du Rhône. — Nous connaissons par les plantes fossiles de plusieurs localités du Bas-Bugey, la végétation des environs de Lyon vers la fin de la période jurassique. M. Faisan a contribué à cette connaissance par ses recherches personnelles. Les forêts étaient alors peuplées de puissans conifères de la tribu des araucariées et de celle des cupressinées. Il y avait aussi de nombreuses cycadées de taille médiocre et des fougères de consistance généralement coriace. Le règne végétal était encore incomplet ; là comme ailleurs on remarque l’absence de plantes à « feuillage. » Mais si nous interrogeons l’un des étages suivans, sans abandonner le périmètre de la vallée du Rhône, nous rencontrons toute une flore, appartenant à la partie récente de la craie, l’horizon de la craie de Tours ou « turonien. » La découverte de cette flore est entièrement due à M. le professeur Marion ; elle témoigne d’un nouveau progrès du règne végétal. Les plantes « à feuillage » se sont montrées dans l’intervalle ; elles ont pris de l’extension lors de