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actuels. » Il suffit que les circonstances aient été favorables à l’extension du phénomène pour que, d’année en année et durant de longs siècles, le glacier du Rhône ait surmonté tous les obstacles pour venir ensuite étaler en éventail sa face frontale jusqu’au confluent des deux fleuves.

Le point de départ a été le flanc méridional des Alpes bernoises, le massif du Mont-Blanc et celui du Mont-Rose. Les glaciers du Valais, joints à ceux de l’Arve, ont formé les deux branches principales, réunies ensuite en une seule masse dont les auteurs tracent la marche avec d’autant plus de sûreté que tous les blocs erratiques de la région ont été relevés un à un, toutes les déjections éparses examinées, en sorte qu’avant de conclure ils ont exploré tout le pays et combiné leurs études et leurs recherches avec celles que poursuivaient de leur côté les savans suisses, particulièrement M. A. Favre, qui observait dans le même dessein les anciens glaciers du bassin supérieur du Rhône. — Prenons d’abord ceux-ci : le point de départ est encore marqué par le glacier actuel du Rhône dans le Haut-Valais, dernier résidu de son gigantesque devancier. Mais celui-ci s’élevait bien plus haut ; ses traces visibles ont été rencontrées par M. Favre jusqu’à 3,500 mètres, sur le Schneestock. Près du Furcahorn, M. Gosser a trouvé des traces de son passage à 2,800 mètres. La différence entre les deux chiffres marque l’abaissement rapide du glacier sur les plus hauts sommets d’où il descendait, pour suivre la dépression valaisane, en recueillant, comme une rivière ferait de ses tributaires, les glaciers partiels déversés principalement à gauche par les croupes septentrionales du Mont-Cervin. Le niveau altitudinal s’incline ensuite graduellement. Il était de 2,100 mètres au Mont-Âltets, non loin de la Gemmi, et de 1,650 à la Dent-de-Morèle, au-dessus de Bex ; mais au-dessus de Martigny, sur la gauche, à une altitude de 2,082 mètres, une première soudure s’opérait avec la branche de l’Arve descendue du Mont-Blanc, puis le glacier que nous suivons comblait le Léman tout entier. De Saint-Maurice à Lausanne, il se détournait vers le nord et en même temps il se divisait en deux branches, l’une septentrionale allait par delà Lausanne s’épanouir entre Berne et Soleure, après avoir contourné le Jura; l’autre, méridionale, suivait la courbe du Léman dont elle remplissait la cuvette, et débouchait immédiatement après. Genève en se réunissant aux glaciers de l’Arve, dont il va être question. M. Favre, s’attachant au seul glacier du Rhône supérieur, après avoir observé des blocs erratiques, le long de la rive droite du fleuve, jusqu’à 2,700 mètres sur l’Eggishorn, le thalweg de la vallée étant sur ce point à 1,020 mètres, en a conclu que l’épaisseur de l’ancien glacier atteignait 1,600 mètres et que