Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 47.djvu/53

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

réforme que chaque pièce de 5 francs ajoutée à la circulation rendrait plus difficile et plus chère. La réforme n’était pas à prévoir, et rien même aujourd’hui ne contraint à la faire, allèguent les bimétallistes. Si, fidèle à ses traditions, la France avait, sans les compter, transformé lingots et thalers en pièces de 5 francs, la baisse dont on se plaint eût été impossible, et le rapport des prix des deux métaux précieux demeurerait inébranlable. Inébranlable ou non, il se serait maintenu, cela est certain, dans de très étroites limites, mais nous aurions perdu toute notre monnaie d’or. Si la frappe libre de l’argent était reprise demain, la France bientôt, comme avant 1848, n’aurait plus d’autre monnaie, et elle en aurait trop, sans être pour cela plus riche,

La situation acceptée sans plainte il y a quarante ans serait aujourd’hui fort incommode ; le numéraire, or et argent, dans le monde entier, a depuis ce temps plus que doublé ; les métaux, moins rares, ont moins de valeur, les prix se sont élevés ; les pièces de 5 francs, dont nous avons perdu l’habitude, sont gênantes surtout par leur poids; si pour un même achat il en faut un nombre double, l’inconvénient sera doublé ; telle est la cause première des efforts dont nous sommes témoins chez toutes les nations pour attirer l’or et expulser l’argent chez les voisins, tandis que, par une singulière contradiction, on s’accorde à reconnaître et l’on s’applique à montrer, à exagérer peut-être les embarras, les pertes, les ralentissemens, dont l’emploi de monnaies différentes troublerait les relations commerciales.


II.

Lorsque, il y a trente ans, la production de l’or décupla subitement, la France, malgré ses craintes, ouvrit sans compter au précieux métal les portes de l’hôtel des Monnaies. L’argent nouveau aujourd’hui, en y comprenant même les thalers allemands, est loin d’être aussi abondant; pourquoi le repousse-t-on? Précisément peut-être parce qu’en 1850 on n’a pris aucune mesure. La France, par habitant, a plus de monnaie aujourd’hui qu’aucune autre nation du globe; si la masse monétaire s’accroissait encore, ceux dont les revenus n’augmenteraient pas avec le prix des choses traverseraient des jours difficiles.

Il faut prendre un parti; le choix malheureusement n’est pas libre, car le meilleur de tous supposerait l’entente des grandes nations; on ne peut la décréter ni l’obtenir.

Trois solutions sont proposées : le bimétallisme, le monométallisme or, et le maintien du régime actuel, assez heureusement désigné, dans cette langue autorisée par l’usage, sous le nom de bimétallisme