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s’en ira pas sans avoir fait devant l’autel une génuflexion et un signe de croix. In jour, je me souviens d’avoir remarqué une femme jeune encore, au teint pâle, à l’œil cave, à la démarche chancelante, qui était manifestement arrivée au dernier degré de la phtisie. Debout contre la grille d’une chapelle latérale, elle joignait convulsivement ses mains amaigries et tournait vers l’autel un regard de supplication. Que demandait-elle? était-ce la résignation ou l’espérance? Ardente en tout cas était sa prière, car je voyais de loin le mouvement de ses lèvres, et tout en la regardant je me demandais si ceux qui accablent sa foi de railleries grossières avaient quelques paroles à lui dire qui pussent lui en tenir lieu.

Ce ne sont pas seulement des individus isolés que l’on rencontre à Paris dans les églises. Certaines solennités religieuses, les cérémonies de la semaine sainte et celles du jour de Pâques, l’ouverture et la clôture du mois de Marie, y attirent encore, dans les quartiers populaires, une foule considérable. Je voudrais même, soit dit à ce propos, voir disparaître de nos églises parisiennes certains usages qui me paraissent contraires au principe de l’égalité chrétienne. Passe pour les chaises, qui, étant un service rendu, méritent rémunération et constituent même dans certaines paroisses riches un assez gros revenu qui profite à d’autres ; mais à quoi bon cette barrière contraire non-seulement à l’esprit mais à la lettre de l’évangile, qui entoure la nef et semble faite pour écarter le pauvre de Dieu? Ne devrait-on pas au contraire, comme en Italie, entourer les piliers de bancs de bois qui serviraient à tous? Ce n’est pas non plus sans regret que j’ai vu afficher à la porte de certaines églises cet avis à la stricte exécution duquel on ne tient heureusement pas la main : Défense d’entrer avec des paquets ou paniers. A quel moment veut-on que la ménagère entre à l’église si ce n’est au moment où elle va faire ses provisions pour son dîner? On ne saurait trop éviter tout ce qui donne à l’église, la maison de tous, l’air d’un lieu aristocratique. Le peuple n’est que trop disposé à ne pas y entrer. Il ne faut pas, en effet, que cette foule dont je parlais tout à l’heure fasse illusion. Qu’est-ce que deux ou trois mille personnes remplissant une église, auprès de la population de tout un quartier dont les trois quarts n’y mettent jamais les pieds. Entre ces deux minorités, l’une haineuse, l’autre fidèle, il existe une masse nombreuse qui vis-à-vis de toute croyance religieuse vit dans l’indifférence et dans la nuit, tout entière au souci de son pain quotidien ou de ses plaisirs. Sans doute, dans une certaine mesure, il en a toujours été et il en sera toujours de même. Mais le fait nouveau est celui-ci : autrefois cette population, indifférente sans être hostile, donnait du moins accès à la religion dans quelques circonstances de sa vie : le baptême, la première communion, le