Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 47.djvu/713

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 septembre.

Depuis longtemps, en vérité, on n’avait vu une situation plus bizarre, plus indéfinissable que celle qui frappe aujourd’hui tous les yeux, un imbroglio plus complet et plus baroque. Quelques semaines sont à peine écoulées depuis ce grand scrutin qui, au dire des vainqueurs du jour, allait tout renouveler, tout redresser, tout éclaircir, et déjà on ne s’entend plus, on ne sait plus où l’on va. Dès les premiers pas, on se perd dans d’inextricables confusions, dans un tourbillon de choses insaisissables, de querelles factices, de partis qui se démènent, de pouvoirs qui s’effacent et de polémiques qui achèvent de tout brouiller.

Y aura-t-il une convocation anticipée du parlement, et quelle est la chambre qui doit être appelée ? Quand le ministère donnera-t-il sa démission pour faire place à un cabinet nouveau, au grand cabinet destiné à représenter la majorité issue des élections, et cette majorité elle-même, dont tout le monde parle, quelle est-elle ? où est-elle ? Comment sortira-t-on de ces malheureuses affaires d’Afrique, qui se traînent plus que jamais dans une pénible obscurité ? Que faire et qu’imaginer pour que cette dernière victoire des élections ne paraisse pas trop stérile ? Voilà bien des questions débattues à la fois dans les polémiques du jour, même dans les réunions des radicaux de l’extrême gauche, impatiens de prendre un rôle, et pendant que tout s’agite bruyamment, confusément d’un côté, tout est silence ou inertie ou indécision d’un autre côté. M. le président de la république se repose dans sa paisible solitude de Mont-sous-Vaudrey. M. le gouverneur-général de l’Algérie, qui, à l’heure qu’il est, n’a sans doute rien de mieux à faire, dont la présence serait probablement inutile à Alger, est, lui aussi, pour le moment dans le Jura, goûtant les agrémens du pays natal et de l’hospitalité fraternelle. M. le président du conseil, content d’avoir fait une fois de plus son apologie dans les Vosges, va de Saint-Dié à Paris ou de Paris à Mont-sous-Vaudrey et s’arrête tout juste pour répondre d’une manière évasive aux députés de l’extrême