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gauche qui sont allés l’interroger sur la nécessité d’une réunion prochaine du parlement. M. le président de la chambre, après avoir fait beaucoup de bruit, a tout à coup disparu pour quelques jours dans une de ces régions mystérieuses où se dérobent à propos ceux qui ont des embarras et qui veulent se ménager. M. le ministre de la guerre, quand il est à Paris, est occupé à se contredire d’une heure à l’autre, à défaire chaque jour ce qu’il a fait la veille, à épuiser les expédiens, sans savoir où il s’arrêtera dans la confusion militaire et financière où il s’est laissé entraîner. M. le ministre de l’intérieur, qui était récemment à Bagnères-de-Bigorre, en est à se débattre avec ses compatriotes de Toulouse pour un préfet qu’il a déplacé. Bref, tout va à la diable, tout est du moins en suspens, et ce qu’il y a de plus clair dans l’inertie confuse et embarrassée du gouvernement comme dans les agitations bruyantes des partis, c’est qu’on ne s’entend sur rien, on ne sait rien.

On ne sait comment prendre cette réunion plus ou moins prochaine du parlement, ni à quelle date il faut la fixer pour garder une certaine apparence de légalité constitutionnelle. On ne sait pas si le cabinet qui existe doit disparaître, dans quelles conditions peut se former un ministère nouveau, pas plus qu’on ne sait dans quelle mesure ce nouveau ministère, dont on parle sans cesse, peut se promettre d’avoir dans les chambres une majorité suffisamment disciplinée. En un mot, puisqu’on insiste toujours sur la nécessité de constituer un gouvernement, on ne sait pas avec quoi on fera un gouvernement. On ignore bien plus encore comment on en finira avec ces complications africaines, devant lesquelles l’opinion reste indécise, déconcertée et alarmée, justement parce qu’elle ne voit ni direction ni action prévoyante. Il faut parler franchement : on aura beau triompher, couvrir de grands mots la pauvreté des choses, tout cela s’appelle réllement l’anarchie ou, si l’on veut, le gâchis, et, ce qu’il y a de plus caractéristique, de plus dangereux, c’est qu’après tout cette confusion n’a rien d’accidentel ; elle est la conséquence d’une situation, la suite d’une politique ou du moins d’une série d’actes, de procédés, d’expédiens de parti représentés comme l’expression d’une politique.

Tout ce qui se passe aujourd’hui, en effet, n’a rien d’imprévu. La logique domine les événemens et les hommes plus que ne le pensent les habiles, et c’est en vain qu’on se flaite de faire indéfiniment de l’ordre avec du désordre. On ne change ni la nature des choses, ni les nécessités premières. de l’ordre et de la stabihté publique, ni les conditions essentielles de tout gouvernement ; on n’arrive qu’à tout confondre et à se préparer de cruels, d’inévitables mécomptes sous la trompeuse apparence de succès d’un moment. Depuis que le parti républicain est arrivé au pouvoir sans partage, sans contestation, il y a déjà près de quatre ans, il a certes trouvé devant lui ou autour de