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l’unité de l’Italie avait entraîné l’unité de l’.Allemagne. Après avoir relevé en termes incisifs les fautes commises, M. Thiers terminait son discours en établissant que la vraie politique était d’admettre ce qui était fait, mais de déclarer hautement qu’on ne souffrirait pas qu’on allât plus loin. M. Émile Ollivier, conseillait au contraire, d’accepter sans arrière-pensée, non-seulement la nouvelle organisation de l’Allemagne, sanctionnée par le traité de Prague, mais encore l’éventualité prochaine de l’union des états du Sud avec la Confédération du Nord. M. Rouher, avec une éloquence digne d’une cause meilleure, contesta énergiquement, en développant les argumens de la circulaire La Valette, que la dissolution de la Confédération germanique et la réorganisation de l’Allemagne sur de nouvelles bases fussent menaçantes pour la sécurité ou la légitime influence de la France. Tout au contraire, il se félicitait hautement de voir l’ancienne Confédération, « masse énorme de 75 millions d’âmes, » et dont le caractère purement défensif n’avait jamais été qu’une illusion et un mirage, remplacée aujourd’hui par une Allemagne « divisée en trois tronçons. »

Ces déclarations optimistes ne se conciliaient guère avec les angoisses patriotiques que M. Rouher lui-même avouait avoir éprouvées le lendemain de Sadowa, ni surtout avec les préoccupations dont le projet de loi sur la réorganisation de l’armée était l’irrécusable témoignage. Aussi M. Jules Favre, qui s’était réservé pour diriger contre le gouvernement les imputations les plus véhémentes posait-il au ministre d’état, au milieu de l’émotion générale, un redoutable dilemme : « Ou le discours que vous venez de prononcer, disait-il, n’est autre chose qu’une ostentation nécessaire, ne répondant point en réalité aux faits connus de la politique, ou vous devez retirer le projet de loi militaire. » Le droit d’interpellation que l’empereur avait concédé aux chambres se retournait contre lui dès la première heure. Il fournissait à l’opposition les moyens de révéler ses fautes au grand jour et de soulever l’opinion contre son gouvernement.

Deux jours après cette mémorable discussion au corps législatif, la Gazette d’état de Berlin publiait en tête de ses colonnes, dans la pensée la plus provocante, le traité d’alliance offensive et défensive conclu, le 21 août 1866, avec la Bavière. On croyait la Prusse cantonnée dans le nord de l’Allemagne et déjà elle était installée à Munich et à Stuttgart. On ne tenait plus compte des susceptibilités de la France ; on lui notifiait publiquement que le traité de Prague était violé et que les limites marquées aux aspirations allemandes étaient franchies depuis longtemps. C’était, disait-on, une réponse au discours agressif de M. Thiers, qui, du haut de la tribune, avait