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Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 47.djvu/929

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vulgaires et classiques que le premier venu, patient et opérateur, est presque constamment en mesure de réaliser. J’ai rappelé que la constitution antérieure du sujet n’était pas à négliger, que, suivant ses aptitudes neigeuses, il apportait plus ou moins de résistance à l’épreuve.

Savoir les dispositions nerveuses d’un individu n’est pas chose toujours facile. Aucun signe extérieur n’en témoigne, et les gens ont souvent de bonnes raisons pour dissimuler une pointe de nervosité qu’ils considèrent comme une tare ou comme une menace. Les médecins seuls ont qualité pour instituer cette enquête rétrospective ; mais quand ils sont devenus hypnotiseurs ou magnétiseurs, la plupart ont cessé d’être médecins. L’important pour eux est d’évoquer un état qui touche au merveilleux; les considérations accessoires nuiraient à l’éclat du fait fondamental. Tous cependant, médecins ou non, ont été contraints de reconnaître et n’ont pas hésité à déclarer que certaines personnes subissaient avec une facilité exceptionnelle l’influence hypnotique. Les magnétiseurs, plus enclins à tenir compte des puissances de l’opérateur que de la réceptivité de l’opéré, considérant le premier comme le cachet et le second comme la cire, n’ont pas davantage essayé de le nier. Il est acquis que les femmes d’abord, que les jeunes sujets ensuite, adolescens dont le tempérament touche par tant de côtés à la complexion féminine, sont particulièrement aptes. Braid se borne presque à mentionner le fait, qui le gêne visiblement.

La seconde prédisposition est d’un autre ordre. Tout individu déjà soumis à une expérience acquiert un surcroît d’aptitude, et à mesure que les expérimentations se sont multipliées, il devient de plus en plus docile. Ceux qui sont rompus à ces façons d’exercice deviennent les vrais sujets, et le nom leur en est resté. Je ne parle pas des cas où la supercherie s’en mêle et où la première condition pour tromper le monde est d’être un jongleur habile. L’opérateur et l’opéré, en pareille circonstance, se valent presque toujours au point de vue de la probité; mais de telles fraudes, laborieusement conduites, accomplies en vue d’un succès d’argent ou de tout autre, ne s’appliquent qu’aux grandes occasions. Quand il s’agit d’un hypnotisme réduit aux modestes proportions d’une curiosité satisfaite, la chose n’en vaut pas les frais : on est dans la vérité en affirmant que la simulation est exclue, et d’ailleurs elle serait aisément déjouée par tout homme du métier.

L’entraîné, et le mot n’est pas excessif, devient-il seulement un prédisposé, une pâte plus molle, ou aiguise-t-il son système nerveux par la série des secousses qu’il lui imprime de manière à en obtenir des effets qu’un néophyte en hypnotisme ne réaliserait pas?