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démodé. — Le romancier français imagine une famille dont il suit les destinées de siècle en siècle. Un certain M. Lebrenn, marchand de toile établi rue Saint-Denis vers 1848, à l’enseigne de l’Épée de Brennus, descend en droite ligne du célèbre chef gaulois ; il possède les archives de sa race et les communique à ses enfans en leur disant : « Ces manuscrits racontent l’histoire de notre famille plébéienne depuis plus de deux mille ans… Aussi cette histoire pourrait-elle s’appeler l’histoire du peuple, de ses vicissitudes, de ses coutumes, de ses mœurs, de ses douleurs, parfois même de ses crimes… Mais, grâce à Dieu, dans notre famille, les mauvaises actions ont été rares, tandis que nombreux ont été les traits d’héroïsme et de patriotisme de nos aïeux, Gaulois et Gauloises, pendant leur longue lutte contre la conquête des Romains et des Francs. » Comme dans le roman d’Eugène Sue, c’est l’histoire d’une famille plébéienne du IVe siècle de notre ère jusqu’à la révolution de 1848 qui forme le sujet des Ancêtres. De même, le fondateur de cette famille est un chef barbare, un Vandale, et son dernier descendant, au lieu de vendre de la toile et d’élever des barricades, comme M. Lebrenn, fonde à Berlin un journal d’opposition libérale. Chez les deux auteurs, même souci de mettre en scène des bourgeois, des petites gens, même aversion de l’aristocratie féodale et du clergé ultramontain. Mais l’auteur des Mystères du peuple excite les haines civiles et pousse aux représailles de classe : son livre était condamné en 1857 en France comme immoral et séditieux : il avait été brûlé en 1851 à Erfurt par la main du bourreau. Dans ces sortes de Mystères de l’histoire d’Allemagne, M. Freytag s’est plutôt efforcé d’écrire un livre patriotique tout pénétré de la haine de l’étranger, tout animé du sentiment de l’unité nationale ; et par sa dédicace, il l’a mis sous le patronage de la princesse héréditaire de Prusse, future impératrice d’Allemagne.

Nous ne reviendrons pas sur les premiers récits de la série des Ancêtres, après l’exposé si intéressant et si complet qu’en a donné M. Réville. Dans le premier et peut-être le meilleur de ces romans, Ingo, dont l’action se passe au IVe siècle de notre ère, M. Freytag s’est attaché à faire ressortir la profonde antipathie de race qui se révèle dès le premier contact, dès le premier choc, entre l’élément romain et l’élément germain. Son héros, le chef vandale Ingo, se signale par ses exploits contre les légions romaines. — Le second récit, Ingraban, commencé en 724, au temps où Grégoire II était pape et Charles Martel maître du grand empire franc, nous fait assister à la prise de possession de la Germanie primitive par le christianisme avec l’apôtre saint Boniface. — Dans le Nid des roitelets, « l’intention de l’auteur est de mettre en relief le conflit grandissant, à mesure que l’Allemagne se forme et se civilise, entre