quitter ; après s’être donné beaucoup de mal pour les faire venir, il fallait en prendre encore plus pour les renvoyer.
Parmi ces chercheurs d’aventures qui se mirent à la solde de Tarente se trouve le roi Pyrrhus, qui eut l’honneur de vaincre d’abord les Romains à Héraclée. M. Lenormant, qui a traversé le pays où se livra la bataille, profite de l’occasion pour la décrire, et comme Pyrrhus dut surtout la victoire à ses éléphans, il va au-devant de notre curiosité en nous apprenant ce que nous souhaitons savoir sur la façon dont on employait ces animaux et sur les services qu’ils pouvaient rendre. L’emploi des éléphans dans les armées grecques était nouveau. C’est Alexandre qui, dans son expédition de l’Inde, comprit le parti qu’on pouvait en tirer et en ramena plusieurs centaines que ses généraux se partagèrent après sa mort. Ils figurèrent pour la première fois avec éclat à la bataille d’Ipsus, que le roi de Macédoine Antigone livra à Seleucus Nicanor. Seleucus, qui comptait beaucoup sur eux, en avait réuni un très grand nombre, et les flatteurs d’Antigone, pour le tourner en ridicule, l’appelaient « le grand éléphantarque. » Seleucus leur dut pourtant la victoire, et les quatre cents éléphans qu’il mit en ligne écrasèrent l’armée de son rival.
Pyrrhus, qui assistait à la bataille, avait été très frappé de la fameuse charge des quatre cents éléphans de Seleucus. Aussi voulut-il à toute force en avoir quand il partit pour l’Italie, et quoiqu’il fût léger de fortune et riche seulement d’espérance, il parvint à s’en procurer soixante. C’est sur eux qu’il comptait pour vaincre Rome, et son espoir d’abord ne fut pas trompé. M. Lenormant fait très bien comprendre d’où vient le grand effet que cet animal produisait dans les batailles. « C’est par le choc de sa masse, dit-il, qu’il était surtout redoutable ; les Grecs le comprirent vite et en général ils évitèrent de le surcharger de la sorte de tour de bois que les Indiens avaient inventé de placer sur son dos et où montaient trois ou quatre soldats armés d’arcs et de javelots. En revanche, ils s’étudièrent à lui cuirasser la poitrine pour renforcer l’impénétrabilité de sa peau et à allonger ses défenses avec des pointes d’acier aiguisées. Avant d’engager ces animaux, on avait soin de les enivrer avec du vin aromatisé pour augmenter leur élan et les pousser jusqu’à la fureur. Une charge d’éléphans était irrésistible pour une infanterie combattant à la façon des hoplites grecs et formée en ordre profond et compact. La phalange dont ils parvenaient à aborder le front était inévitablement rompue, écrasée sous leurs pieds, et jetée dans un désordre irréparable… Ce sur quoi comptaient le plus ceux qui faisaient usage des éléphans à la guerre, c’était l’effet moral que produisait leur attaque. Il fallait, en effet, des troupes singulièrement aguerries et solides, des cœurs exceptionnellement