Bavière mettait un soin particulier à protester de ses sympathies et de son dévoûment. Sa conscience était inquiète ; elle avait manqué à ses engagemens en 1866. Au lieu de cent mille hommes, elle n’en avait fourni tardivement que quarante-cinq mille. Les états-majors autrichiens lui reprochaient aussi d’avoir sacrifié la défense commune à des considérations équivoques. Elle pouvait craindre qu’on ne s’en souvînt à Vienne. La sécurité de ses frontières était en question ; elle risquait de se trouver entre une démonstration militaire autrichienne et une invasion française. Si la guerre éclatait, la Prusse ne songerait-elle pas avant tout à la défense de son propre territoire ? Attaquant au nord efforcée de défendre ses côtes, serait-elle en état de couvrir le Midi si la France devait prendre l’offensive sur le Rhin supérieur ? N’en serait-on pas réduit à livrer le pays à l’invasion et à se rejeter avec le peu de forces dont on disposait dans les forteresses d’Ulm et de Rastadt ? Ces craintes s’imposaient à Carlsruhe, à Stuttgart aussi bien qu’à Munich. La France avait encore du prestige, et il n’était pas dit que la Prusse remportât des victoires foudroyantes et décisives. Les affirmations de la diplomatie prussienne, les appels passionnés de la presse inspirée et les démonstrations patriotiques des assemblées populaires ne suffisaient pas pour dissiper les inquiétudes qui rongeaient les cours méridionales.
Le prince de Hohenlohe, qui est aujourd’hui le représentant considéré de l’empereur d’Allemagne à Paris, était alors président du conseil du roi de Bavière. Il avait à se préoccuper avant tout des intérêts et de la sécurité de son pays ; il ne pouvait, quelle que fût l’intensité de son patriotisme allemand, les subordonner aux convenances de la politique prussienne. Il lui importait d’obtenir du cabinet de Vienne la certitude qu’il ne séparerait pas sa cause de celle de l’Allemagne. Le prince de Hohenlohe avait sous la main, dans son cabinet, un homme dévoué, un ancien magistrat, le comte de Tauffkirchen ; il l’improvisa envoyé extraordinaire. M. de Tauffkirchen, au lieu de se rendre directement à Vienne, prit le chemin des écoliers : il passa par Berlin. Il devait prendre langue avec M. de Bismarck et régler sa montre sur la sienne.
Le ministre prussien avait déjà fait maintes avances au gouvernement autrichien, publiquement devant le parlement du Nord, et secrètement par les voies de la diplomatie.
Mais les manifestations du Reichstag étaient restées sans écho à Vienne et l’offre d’une alliance n’y avait provoqué que des réflexions ironiques : « Une alliance, avait dit M. de Beust, prévoit la défaite et la victoire ; je sais ce qui m’attend en cas de défaite, mais que