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ni aux chausse-trapes ; il préférait s’en prendre à la fatalité de ses déconvenues, qui n’étaient que trop souvent le résultat de l’imprévoyance. L’épreuve angoissante qu’il venait de traverser aurait dû lui laisser d’amers ressentimens et lui enlever sur les tendances de la politique prussienne ses dernières illusions. Il échappait à l’invasion, et déjà, sans tenir compte d’aucun avertissement, il poursuivait l’idée de renouer avec le cabinet de Berlin. Il se flattait que le roi Guillaume et le président de son conseil, sous le charme de ses attentions, ne demanderaient pas mieux que de reprendre d’anciens entretiens et de se prêter à de nouvelles combinaisons. S’il avait daigné lire et méditer les dépêches les plus récentes de sa diplomatie, il aurait vu dans quels sentimens M. de Bismarck arrivait aux Tuileries et dans quels termes il parlait de la France. « Nous savons, disait-il à M. de Dalwigk, qui craignait que l’entrée des états du Midi dans la Confédération du Nord ne provoquât la guerre, ce que nous aurons à dire à l’Autriche ; quant à la France, nous sommes prêts, nous l’attendons[1]. » Ses actes étaient encore plus significatifs ; il signait, quelques instans avant de monter dans le train royal, la convention qui créait un parlement douanier. Les délégués et les députés de la Confédération du Nord et des états du Midi allaient dorénavant siéger dans un même-conseil et dans une même assemblée. C’était un nouveau défi jeté à la France. En donnant aux passions germaniques ce gage non équivoque de son audace et de son patriotisme, il était certain de recouvrer la popularité que lui avait coûtée l’abandon du Luxembourg. À l’heure où il apparaissait aux Tuileries avec son roi, le traité de Prague, l’œuvre de notre médiation, était en lambeaux, la ligne du Mein était franchie, économiquement, politiquement et militairement.

« On aimerait assez ignorer les choses si graves que vous mandez, » m’écrivait un de ces officieux, habiles à flairer le vent, qu’on

  1. Dépêche de Francfort.