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tout comme les démons ? — Oui, et même les pécheurs devraient être interdits de toutes leurs facultés corporelles et spirituelles et dépouillés de tous les dons de Dieu.


Héros de l’humilité chrétienne, Olier croit bien faire en bafouant la nature humaine, en la traînant dans la boue. Il avait des visions, des faveurs intérieures dont on possède à Saint-Sulpice le cahier autographe, écrit pour son directeur. Il s’interrompt de temps en temps par des réflexions comme celle-ci : « Mon courage est parfois tout abattu en voyant les impertinences que j’écris. Elles me semblent être de grandes pertes de temps pour mon cher directeur, que j’ai crainte d’amuser. Je plains les heures qu’il doit employer à les lire, et il me semble qu’il devrait me faire cesser d’écrire ces niaiseries et ces impertinences tout à fait insupportables. »

Mais chez Olier, comme chez presque tous les mystiques, à côté du rêveur bizarre, il y avait le puissant organisateur. Engagé jeune dans l’état ecclésiastique, il fut nommé par l’influence de sa famille curé de la paroisse de Saint-Sulpice, qui était alors une dépendance de l’abbaye de Saint-Germain des Prés. Sa piété tendre et susceptible s’offusqua d’une foule de choses qui, jusque-là, avaient paru innocentes, par exemple d’un cabaret qui s’était établi dans les charniers de l’église et où les chantres buvaient. Il rêva un clergé à son image : pieux, zélé, attaché à ses fonctions. Beaucoup d’autres saints personnages travaillaient au même but ; mais la façon dont Olier s’y prit fut tout à fait originale. Seul, Adrien de Bourdoise comprit comme lui la réforme ecclésiastique. L’idée vraiment neuve de ces deux fondateurs fut de chercher à procurer l’amélioration du clergé séculier au moyen d’instituts de prêtres mêlés au monde et joignant le ministère des paroisses au soin d’élever les jeunes clercs.

Olier et Bourdoise, en effet, tout en devenant réformateurs et chefs de congrégations, restèrent curés : l’un de Saint-Sulpice, l’autre de Saint-Nicolas-du-Chardonnet. Ce fut la cure qui engendra le séminaire. Ces saints personnages réunirent leurs prêtres en communautés, et ces communautés devinrent des écoles de cléricature, des espèces de pensions où se formèrent à la piété les jeunes gens qui se préparaient à l’état ecclésiastique. Une circonstance rendait de telles créations faciles et sans danger pour l’état, c’est qu’elles n’avaient pas de professorat intérieur. Le professorat théologique était tout entier à la Sorbonne. Les jeunes sulpiciens ou nicolaïtes qui faisaient leur théologie y allaient assister aux leçons. L’enseignement restait ainsi national et commun. La clôture du séminaire n’existait que pour les mœurs et les exercices de piété. C’était l’analogue de ce qu’est aujourd’hui un internat envoyant ses élèves au