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Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 48.djvu/866

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s’y prenait-il à temps. Dans son projet, l’enfant n’était pas plus tôt sorti de l’école primaire qu’on le mettait à l’étude de la langue nationale, sans doute afin d’en finir avec ces odieux patois, « dernière vestiges de la féodalité. » L’idée n’était peut-être pas d’une application très facile : à coup sûr, elle était bien plus dans la logique révolutionnaire que le plan d’études adopté par la convention. Qu’avait en effet reproché tout le XVIIIe siècle aux jésuites ? La part essentielle faite au latin et la faiblesse de leur enseignement historique. Et voilà qu’au lieu de réagir contre ces tendances, en plaçant l’histoire et la littérature nationales au seuil même des études, la convention les renvoyait à la fin ! — Singulière anomalie, bizarre contradiction et qui montre bien de quel étonnant mélange d’audace et de timidité étaient faits ces révolutionnaires de 1795 et quels pauvres réformateurs ils furent souvent.

Une autre faute où ils tombèrent et que nous devons mentionner fut d’introduire dans un plan d’études secondaires des matières appartenant à l’enseignement supérieur, telles que la grammaire générale et la législation.

À dire vrai, pour la première de ces sciences, on pouvait invoquer un précédent : celui des petites écoles de Port-Royal et une autorité considérable au XVIIIe siècle, celle du grand Arnauld. — N’était-ce pas à lui qu’on devait la première grammaire générale et raisonnée qui eût paru en France et n’était-ce pas à l’usage de ses jeunes élèves qu’il avait eu l’idée de rédiger cet ouvrage en collaboration avec Lancelot ? Pourquoi donc une innovation signée d’un pareil nom eût-elle paru téméraire à la convention ? Arnauld d’ailleurs avait eu des imitateurs et des continuateurs, entre autres Condillac, qui, dans son Cours d’études pour l’instruction du jeune duc de Parme, n’avait pas craint de faire une large place à l’analyse des principes du langage. Il y avait là d’illustres exemples qui imposèrent à la convention et dont elle subit l’entraînement. Toutefois, avec un peu d’attention, elle eût vite reconnu qu’elle se trompait en donnant autant d’importance à une science, aussi stérile et aussi arriérée que l’était la grammaire générale à la fin du XVIIIe siècle. Perdue dans les abstractions, la grammaire générale n’avait guère fait de progrès depuis messieurs de Port-Royal. Elle en était encore à la méthode a priori, bornant presque tout son champ d’observation à l’étude du français et des deux grandes littératures classiques, avec une légère addition d’hébreu, et ne soupçonnait même pas la méthode expérimentale. Au lieu d’étudier des faits, elle s’était attardée, soit à de vaines définitions, soit à de subtiles analyses où, depuis le commencement du siècle, elle tournait pour ainsi dire sur elle-même. Bref, une science sans largeur, sans avenir, et, par-dessus tout, sans intérêt pour des enfans,