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au minimum, il y en avait bien pour 10 chez nous; d’autant plus que notre commerce inférieur est peut-être plus développé que celui de nos voisins. Dans chaque arrondissement, souvent dans le canton, il y a un banquier, un escompteur, qui prend, avec ses propres ressources, le papier qui est créé autour de lui, et il en attend tranquillement l’échéance. Il faut bien qu’il en soit ainsi; autrement, comment expliquerait-on que nous puissions garder sept milliards de métaux précieux? En définitive, cette somme n’est pas enfouie, elle circule, et elle ne peut circuler qu’en étant la contrepartie des effets qui s’escomptent contre des écus, et non pas, ainsi que cela se fait en Angleterre, avec des chèques et des viremens. Or, tout ce papier qui circule dans notre pays subit plus ou moins l’influence du taux d’escompte de la Banque de France, et ce n’est pas seulement le papier négociable qui subit cette influence, le prix des avances que font sous des formes diverses les institutions de crédit s’en ressent aussi. On prend le taux de l’escompte de la Banque pour base et on prélève en sus une commission plus ou moins forte. Par conséquent nous sommes en droit de dire que, quand la Banque de France élève le taux de son escompte, elle agit sur tout le mouvement des affaires. Et, si cette élévation au-dessus du taux moyen est de 2 pour 100, comme elle est en ce moment, et qu’elle dure un an, c’est, appliquée à 10 milliards d’affaires, une perte de 200 millions. Cela est fort grave, indépendamment du trouble qui en résulte pour toutes les grandes opérations financières. Combien d’entreprises qui sont possibles quand le taux de l’intérêt est à 3 pour 100 et qui ne le sont plus lorsqu’il est à 5! Il est difficile qu’une telle situation se perpétue, il faut absolument qu’on prenne des mesures pour que l’encaisse de la Banque ne soit plus un leurre et que toutes les ressources qui y figurent soient réellement disponibles. On n’arrivera à ce résultat qu’en tranchant définitivement la question monétaire et en décidant que l’argent n’est plus qu’une monnaie divisionnaire, qu’on ne sera pas tenu de recevoir au-delà d’un certain chiffre, 100 francs par exemple, ce qui serait encore beaucoup. De cette façon, on pourrait peut-être en conserver pour un milliard 1/2 sur les deux milliards 1/2 qui existent.

L’Allemagne a accompli sa réforme monétaire à un moment où, malgré la rançon qu’avait à lui payer la France, la chose n’était pas facile: elle n’avait pas assez d’or, il fallait qu’elle en allât chercher à l’étranger et une fois qu’elle l’avait mis dans ses caisses, il fallait encore qu’elle parvînt à l’y retenir, ce qui était plus difficile. Cependant, a dit un de ses délégués à la conférence, elle est parvenue à conduire cette réforme à bonne fin, et l’œuvre est à peu près achevée. Chez nous tout serait facile. Nous n’avons pas d’or à demander à l’étranger, il y en a en France plus qu’il ne nous en faut; il s’agit