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Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 50.djvu/305

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LA PASTORALE DANS THÉOCRITE.

teté et cette franchise d’effet, que parce qu’en les écrivant il savait au juste ce qu’il voulait faire, et parce qu’il adapta le vêtement poétique à un objet bien déterminé, qui avait en soi un principe naturel d’existence, avant tout effort d’un art savant. Mais ne parlons ici que de la pastorale, notre sujet.


III.

Théocrite est trop souple et trop varié dans la pastorale pour s’enfermer dans les limites d’une classification rigoureuse. Cependant on peut répartir les dix pièces dont se compose la partie bucolique de son œuvre entre deux divisions générales, en rangeant d’un côté celles qui se tiennent plus près de la réalité champêtre, et de l’autre les poèmes où sont développées des légendes locales. Sans attribuer à cette distinction une valeur absolue, adoptons-la comme assez naturelle et comme offrant un ordre commode. Mais d’abord remarquons que toutes ces pièces bucoliques ont emprunté à la Sicile les légendes qu’elles ont chantées, comme les mœurs dont elles sont de poétiques imitations. La pastorale est tout à fait d’origine sicilienne. Si plus tard, dans la littérature moderne, l’Arcadie a presque supplanté la Sicile, c’est sans doute par suite d’une tradition à la fois mythologique et littéraire, qui a rattaché le chant pastoral au dieu arcadien de la syrinx et des troupeaux, à Pan, particulièrement honoré sur le Ménale. Cette tradition était établie dès le temps de Virgile ; elle le fut peut-être par lui. Dans une de ses églogues, il met en scène deux enfans arcadiens et il appelle le chant bucolique Mænalios versus. En tout cas, elle ne paraît pas remonter jusqu’à Théocrite.

« La Sicile aux nombreux troupeaux, » dit Pindare. Sa richesse en ce genre était aussi célèbre chez les anciens que la fertilité de ses plaines. En outre, de fraîches et poétiques vallées s’ouvraient dans les contreforts de la grande montagne de l’Etna. On conçoit donc qu’elle ait réalisé mieux que tout autre pays cet idéal de vie pastorale que l’antiquité s’est figuré avant nous, celui dont Lucrèce nous présente la charmante image. On se rappelle ces jolis traits : les bergers, élèves des oiseaux et des zéphyrs, qui sifflent dans les tiges des roseaux, inventant les douces plaintes de la flûte dans les forêts profondes, au milieu des gorges des montagnes, dans des solitudes aimées et des loisirs divins,

Per loca pastorum deserta atque otia dia.

Ce vers ravissant remplace presque la gracieuse mythologie dont le poète philosophe ne veut plus. On l’a souvent cité, et c’est peut-être le souvenir plus ou moins net du trait si expressif otia dia qui