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pratiques et utiles ? Que ne s’attache-t-elle au budget que M. le ministre des finances vient de lui présenter, et qui est fait pour la ramener aux réalités de la vie nationale ? Au lieu de s’attacher à ces œuvres sérieuses, elle va au hasard, déguisant l’indigence des idées sous la jactance des paroles, cherchant sans dignité pour elle-même les petits profits des voyages gratuits et des augmentations de son traitement, infligeant au pays une contribution de 10 millions pour de prétendues victimes d’un événement accompli il y a trente ans. Nous ne disons pas que ce soit le dernier mot de cette assemblée nommée par la France ; mais il est plus que temps pour elle de s’arrêter dans la voie où elle est entrée. Elle est jusqu’ici la victime de la médiocrité et de l’esprit de parti qui la dominent, et pour se retrouver dans une autre atmosphère, il faut encore revenir au sénat où s’agitait hier la question de l’enseignement, où M. Jules Simon et M. le duc de Broglie ont rivalisé d’éloquence pour maintenir le nom de Dieu dans le programme des écoles primaires. Ils n’ont pas réussi ; ils ont du moins prouvé que l’élévation de la pensée et l’éclat du langage n’étaient pas encore bannis de la vie parlementaire française.

Il y a aujourd’hui en Europe bien peu de pays qui n’aient, comme la France, leur tâche laborieuse, leurs difficultés intérieures, sans parler des questions plus générales qui naissent de l’état du monde, qui intéressent toutes, les politiques et sont la préoccupation commune des gouvernemens. L’Angleterre elle-même, la plus vieille des nations parlementaires, n’est point sans avoir ses incidens embarrassans, et avant tout, ces jours derniers, au milieu de toutes ses affaires irlandaises, elle a été surprise par un de ces actes odieux devant lesquels toutes les opinions se confondent, par une tentative de meurtre dirigée contre la reine. Ce n’est pas la première fois que la reine Victoria, dans un règne datant déjà de plus de quarante années, a été exposée à ces attentats qu’on commence toujours par attribuer à la folie, tant ils s’expliquent peu dans un pays pu la monarchie n’est que la première garantie de toutes les libertés, où la souveraine n’a d’autre volonté que la volonté de la nation. Cette fois, l’auteur du crime est un malheureux qui s’est dit privé d’emploi, réduit à la misère et qui n’a trouvé rien de mieux que de tirer un coup de feu sur la reine sortant d’un chemin de fer. Il n’a réussi qu’à soulever le sentiment anglais et à raviver la popularité d’une souveraine respectée ; mais ce n’est là heureusement qu’une diversion. L’Angleterre, à part l’émotion soudaine et imprévue suscitée par cet indigne attentat, a pour le moment d’autres affaires qui ne laissent certainement pas d’être curieuses.

La première de ces affaires n’est rien moins qu’un conflit parlementaire des plus sérieux provoqué dans la chambre des lords à propos de cette éternelle question d’Irlande, qui ne cesse d’être l’embarras du gouvernement anglais, Le chef du cabinet libéral, M. Gladstone, a