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dépenses exécutées pour la plupart en 1879 et en 1880, n’est pas classé. Nous ne craignons pas de le dire : de même qu’à la période difficile et laborieuse qui s’est écoulée de 1871 à 1874 inclusivement a succédé la période financière de grande prospérité, mais de grands entraînemens, qui s’étend de 1875 à 1881, de même il est à craindre que ne s’ouvre aujourd’hui une période nouvelle qui, si l’on n’y prend garde, sera signalée par une grande gêne, des embarras constans, une difficulté marquée d’équilibrer le budget, l’apparition même de déficits, l’impossibilité de continuer les dégrèvemens et peut-être un jour ou l’autre la nécessité d’établir des impôts nouveaux.

Voilà les perspectives qui se développent devant nous si nous ne changeons pas de système. Changer de système, c’est dégager la dette flottante, donner à nos budgets des cadres plus fixes, restreindre l’ouverture des crédits sur simple initiative parlementaire ; c’est réduire le budget extraordinaire en chargeant d’une partie des travaux à exécuter les grandes compagnies de chemins de fer ; c’est enfin écarter, pour une période déterminée et d’une assez longue durée, par des conventions avantageuses au trésor public et aux contribuables, tout projet de rachat des voies ferrées. En dehors de mesures nettes et précises dans ce sens, il n’y a place que pour les entraînemens, le gaspillage, les embarras et, en fin de compte, les déceptions, c’est-à-dire les déficits et les augmentations d’impôts.


II.

Quand s’est formé le ministère du 30 janvier, M. Léon Say, l’homme de France qui, depuis 1870, a occupé le plus longtemps le ministère des finances et en connaît le mieux les rouages, a formulé son programme dans les trois négations qui suivent : pas d’emprunt public, pas de rachat, pas de conversion. A vrai dire, de ces trois termes, il y en a un auquel nous désirons, quant à nous, que M. Léon Say ne donne pas un sens trop absolu. Pas d’emprunt public, soit ; pas de rachat des chemins de fer, soit ; pas de conversion, c’est autre chose, et ici nous éprouvons le besoin d’ajouter trois mots : pour le moment. En l’état présent du marché, après la violente secousse ressentie en janvier 1882, la conversion, sans doute, n’est pas opportune ; il faut l’ajourner, mais non d’une manière indéfinie. La conversion n’est pas seulement un droit de l’état, c’est un devoir impérieux pour l’état. Le gouvernement ne peut pas charger indéfiniment les contribuables d’une somme qui dépasse notablement le taux de l’intérêt actuel. La conversion est, en outre, le seul moyen, dans la situation si enchevêtrée que l’on a faite aux finances françaises, d’effectuer des dégrèvemens. Aussi admettons-nous