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jusqu’ici docile, dominant le vice-roi Tewfik-Pacha et préparant peut-être aujourd’hui des usurpations nouvelles. Or si la crise qui est manifestement ouverte désormais va jusqu’au bout, si les conditions de la vice-royauté viennent à être brusquement altérées, les puissances européennes, la France et l’Angleterre particulièrement, ne peuvent échapper à la nécessité d’intervenir sous une forme ou sous l’autre. Voilà justement la question telle qu’elle apparaît dans cette phase aiguë où elle vient d’entrer.

Les révolutions ont leur logique en Égypte comme partout, et les incidens ne manquent jamais pour les précipiter. L’incident, cette fois, est une conspiration militaire qui aurait été tramée contre un gouvernement né lui-même de la sédition, de ce qu’on a appelé l’insurrection des colonels. Cette conspiration a-t-elle jamais existé réellement ? N’a-t-elle pas été une fable imaginée pour offrir au dictateur un moyen de se débarrasser de quelques rivaux, de briser toute résistance dans l’armée après s’être élevé par elle ? Toujours est-il qu’Arabi-Bey, devenu Arabi-Pacha, s’est empressé de faire saisir quelques chefs militaires, pachas, officiers supérieurs plus ou moins suspects ; il les a livrés à une cour martiale choisie par lui et il les a fait condamner aux peines les plus sévères. Ici la question s’est compliquée. Le malheureux khédive, qui n’avait pas été consulté et qui est depuis longtemps réduit à ne savoir que faire, à tout subir, le khédive n’a osé d’abord ni ratifier ni désavouer l’acte de la cour martiale. Il a cru se tirer d’embarras en s’adressant à la Porte, qui s’est hâtée d’accepter l’arbitrage, de prendre fait et cause pour les condamnés ; il s’est adressé aussi aux agens européens, aux représentans de la France et de l’Angleterre, qui se sont efforcés de le soutenir, et avant la décision définitive de la Porte, dans un mouvement tardif d’énergie, Tefwfik s’est décidé à annuler la sentence de la cour martiale, tout au moins à commuer la peine des condamnés. C’était une sorte de coup de théâtre ; mais aussitôt le cabinet, probablement sous l’inspiration d’Arabi-Pacha, s’est mis en révolte ouverte contre le khédive. Il n’a voulu ni se soumettre à l’acte du prince ni se démettre, et, de son autorité propre, il a convoqué la chambre des notables pour lui proposer la déposition du khédive. La question est de savoir si les notables pousseront la docilité jusqu’à se soumettre à toutes les volontés d’Arabi-Pacha : c’est au moins douteux. Ce qu’il y a de plus grave, c’est qu’au moment même où ces faits révolutionnaires se passent au Caire, la domination égyptienne est menacée d’un autre côté dans le Soudan par une insurrection redoutable qui a grandi à la faveur de l’impuissance du gouvernement et de la désorganisation de l’armée. C’est là l’état des choses devant lequel les puissances sont appelées, par leurs intérêts comme par leurs droits, à prendre un parti.

Il y a quelques points qui semblent dès ce moment admis. Le