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d’écureuil, — la Philosophie, de M. Jourdain. » C’est encore de la même influence que l’auteur s’inspire, probablement sans le savoir, lorsqu’il essaie de traduire dans des images vives et agréables des idées abstraites un peu nues. Par exemple, ceux qui se rappelleront, dans les Philosophes français, la comparaison du bleuet, reconnaîtront évidemment le même précédé d’exposition dans la comparaison suivante, qui d’ailleurs a pour nous l’avantage de résumer la pensée générale de notre auteur fit le sens de sa doctrine : « Pour mieux nous rendre compte, dit-il, de la situation respective de ces divers systèmes, comparons le monde à un théâtre. Selon les trois systèmes que nous combattons, la toile de ce théâtre serait baissée ; cette toile serait couverte de brillans dessins et, par un artifice quelconque, ces dessins seraient changeans et mobiles, tout en suivant un certain ordre. — Suivant les positivistes absolus, ce qui est derrière la toile est inconnaissable, c’est une région obscure et inaccessible ; — suivant Les semi-positivistes, (les éclectiques), ce qui est derrière la toile, bien que tout à fait différent de l’apparence de la toile elle-même, peut cependant être connu indirectement par la raison ; — suivant les monistes (les tainistes), il n’y a rien du tout derrière la toile ; — suivant notre opinion enfin, c’est l’hypothèse d’une toile baissée qui est gratuite ; la toile du spectacle que nous présente l’univers est levée ; ce qui serait derrière cette toile si elle était baissée, c’est là ce qui est sous nos yeux. » Ces recherches de pittoresque sont rares dans notre auteur ; son style est plutôt d’ordinaire austère et nu ; nous ne citons ces exemples que comme des réminiscences inconscientes et accidentelles, vestige d’une influence subie dans la jeunesse et qui est venue singulièrement se combinera l’austérité doctrinaire et genevoise qui est le trait dominant de cette illustre famille ; n’oublions pas cependant que le rayon de Mme de Staël a passé par là.

La comparaison précédente nous fait clairement comprendre la doctrine de l’auteur, et la situation qu’il prend entre les divers systèmes qui essaient de résoudre le même problème. Il est de ceux qui croient que la toile du monde est levée et que la pièce qui se joue devant nous est la vraie pièce, jouée par de vrais acteurs, et non pas une apparence, un rêve de notre imagination ; et ce n’est pas nom plus l’apparence d’une vraie pièce jouée par derrière, dont le secret nous échapperait. Mais il est temps de sortir des images et d’arriver au fond des choses.

Avant de procéder à l’étude des problèmes en philosophie, il faut savoir quel critérium an adoptera. M. l’abbé de Broglie en propose un qui lui paraît le seul possible, le seul légitime : c’est ce qu’il appelle le bon sens. Il le définit ainsi « un ensemble d’idées