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nationales de l’Académie des beaux-arts, celles de l’Académie des sciences, les trésors des diocèses, des cathédrales, des couvens, des établissemens hospitaliers, des universités et des collections privées de tout le royaume. Le gouvernement espagnol et les particuliers seraient enfin conviés à fournir leur contingent d’œuvres nationales, comme aussi le South-Kensington-Museum de Londres, et même les amateurs étrangers.

La manifestation s’est produite à l’heure dite et le résultat a dépassé ce qu’on pouvait en attendre : le Portugal n’assistera probablement plus à un tel spectacle ; car on a ouvert les yeux à ceux qui ne croyaient point posséder de telles merveilles, et l’admiration qu’elles ont suscitée les rendra désormais jaloux de leur conservation.

La présence des souverains espagnols à l’inauguration, les fêtes célébrées en leur honneur à Lisbonne et à Villaviciosa, ont donné un éclat exceptionnel à cette manifestation, et si les Portugais avaient fait savoir au monde, en temps opportun, quels efforts ils allaient accomplir, nul doute que le concours d’étrangers eût été plus considérable, et le profit plus effectif. Mais il semble que la nation ait pris pour devise la réponse altière de son roi Jean III à l’illustre Paolo Jovio, qui lui recommandait de prendre soin de sa gloire et de publier dans le monde le résultat de ses grandes découvertes : « Les Portugais savent faire, dit le roi ; ils ne savent pas dire. » Ils ont agi, en effet, et ne l’ont point dit ; l’honneur est tout aussi grand pour eux, mais nombre d’amateurs de l’Europe ont le droit de leur reprocher d’avoir exhibé leurs merveilles à huis-clos. Quand on s’appelle Lisbonne et qu’on a façade sur le monde : quand on a sa rade unique, Cintra avec son château de légendes, ses bois de camélias, ses forêts de fougères arborescentes, ses grands magnolias, ses massifs de mimosas odorans, ses bougainvillias géans qui escaladent les hautes murailles fortifiées pour présenter aux balcons leurs bouquets éclatans ; quand on a, dans son écrin, Porto sur sa montagne, Coïmbra doucement assise sur les rives du Mondego avec sa fontaine des larmes et sa touchante légende d’Inès de Castro ; quand on a Belem et son cloître, Batalha, Alcobaça, Braga, Mafra, cette revanche de l’Escurial, et Sétubal avec ses bois d’oranger, et Santa-Cruz, et Evora, un tel excès de modestie peut passer pour de la fierté, ou tout au moins pour de l’indifférence.

Le gouvernement français n’a pas cru devoir rester étranger à cette exposition rétrospective ; le trésor des connaissances historiques, pouvait s’en accroître et la somme de notions relatives à l’histoire de l’art, dans un pays qu’on visite peu, allait s’augmenter de tout ce que mettraient au jour les recherches, prescrites par le décret ;