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cathédrale. Dans l’architecture, le gothique sec des Anglais qui donnait à Batalha son caractère primitif, va fleurir à la façon bourguignonne. On engagera des artistes pensionnaires très nombreux qui changeront le courant national et le détourneront ; les Portugais, de leur côté, vont sortir de leur pays, visiter les Flandres, les Pays-Bas, l’Allemagne ; ils y noueront des relations commerciales et fonderont des comptoirs. Ce sont déjà de hardis navigateurs qui ont l’instinct du commerce et le goût des aventures, l’action s’exercera dans toutes les directions et, vers la fin du siècle, quand l’imprimerie sera découverte, le pays, l’un des premiers, profitera de ce bienfait.

Le jour où, par la mort de Charles le Téméraire, à Nancy (1477), Maximilien Ier d’Autriche, fils d’une princesse de Portugal, héritera du duché de Bourgogne, les liens, devenus plus étroits encore, s’étendront à toute l’Allemagne. Ce n’est plus seulement à Bruges et à Anvers qu’on aura des comptoirs ; les traités commerciaux lieront le Portugal à une des plus grandes villes de l’empire. Et quand les découvertes géographiques qui signaleront la fin du siècle rendront l’Europe attentive aux faits et gestes des Portugais, l’impulsion irrésistible des intérêts matériels poussant l’Europe vers ce coin de la Péninsule, on verra les grands facteurs portugais devenir les agens directs non-seulement du mouvement commercial, mais aussi ceux du mouvement intellectuel et artistique.

Nous avons les noms des artistes portugais fixés dans les Flandres : Eduwart Portugaloy, élève de Quintin Messys en 1504, est inscrit comme vrymeester en 1508 à la confrérie de Saint-Luc d’Anvers ; son frère Symon, à la même époque, étudie sous Van der Weyen ; Alfonso Castro fréquente le même atelier en 1522 ; Velasco Hanneken, Pedro de Castro, de 1540 à 1560, sont chez Jacob Spueribol. Ainsi se trouve expliquée l’impression qu’on ressent en face des œuvres picturales de ces époques en Portugal ; elles crient le nom des Flandres et nous présentent cependant des marques évidentes de leur origine portugaise. Et comme nous savons par les lettres de Damian de Goes, qu’il avait à Lisbonne même une collection de tableaux que visitaient les souverains et les étrangers, nous ne pouvons douter qu’ayant longtemps résidé à Bruges, à Anvers, à Cologne, et entretenu des relations avec les grands artistes de ces régions, il n’ait surtout recueilli des œuvres flamandes et allemandes qui ont eu nécessairement une action sur la production nationale.

Toutes ces circonstances, qui se lisent visiblement dans la plupart des œuvres que nous avons sous les yeux, suffisent à expliquer la profusion des richesses dont sont dotés les couvens et les palais, tt expliquent clairement aussi le caractère qui les distingue. L’abondance de ! a matière d’or qui, à un moment, afflue dans le Portugal