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vous avouerez que l’exécution de la tête et de la poitrine ne le cède pas à celle du costume. Là c’est bien de la soie, ici c’est bien de la chair. Voici le luisant du satin, voilà la transparence de l’épiderme. Quel mouvement dans les plis ! mais comme cette tête vit et comme cette poitrine palpite !

M. Paul Dubois comprend les portraits en un style plus sévère, en un caractère plus simple ; c’est la sobriété statuaire. Mme *** porte une robe noire, garnie d’entre-deux de dentelles de même couleur qui courent sur l’étoffe avec beaucoup de légèreté. Le velours de la robe, où les reflets sont discrètement épargnés, s’accorde dans une sobre et puissante harmonie avec le teint mat de Mme ***, qui est brune, et la draperie d’un ton neutre qui forme le fond. La tête, coiffée d : un petit chapeau à plumes, se modèle dans la lumière par des méplats bien suivis, d’une infinie délicatesse, tandis que le cou et les contours du menton et des joues baignent dans la demi-teinte. Le dessin de la bouche, du nez, des yeux, s’accuse en lignes pures et précises, et la douceur de la physionomie, la suavité profonde du regard révèlent l’âme même de la personne. Dans ses portraits comme dans ses bustes, M. Paul Dubois est, qu’on nous passe le néologisme, un psychographe.

Si nous n’avions dû retrouver M. Cot parmi les peintres de portraits, nous aurions parlé de la Mireille sortant de l’église dans notre première étude. Depuis quelque temps, M. Cot a singulièrement modifié sa manière. Son idéal a changé. M. Cot voyait par les yeux de M. Bouguereau ; il voit désormais par les siens. Aux derniers Salons, nous avons remarqué que sa touche s’accentuait dans la fermeté, son dessin dans le caractère, son coloris dans la puissance. Mireille s’arrête sous le porche de l’église pour faire l’aumône à un pauvre enfant, pâle et chétif, qui s’appuie sur une béquille. M. Cot a bien réalisé le type de Mireille. Elle a la beauté calme et grande des Arlésiennes, filles de la Grèce, et le caractère mélancolique de l’héroïne de Mistral. La composition est bien entendue, la couleur sobre et vigoureuse ; le peintre a mis dans le tableau la profondeur de sentiment du poète.

Avec la Mireille, M. Cot a envoyé un très beau portrait de femme. Le peintre a posé Mme B.., qui est vêtue d’une robe de peluche rouge, garnie de fourrure noire à reflets d’argent, contre un fond de frottis de rouge rompu. Si M. Paul Dubois prouve qu’on peut être coloriste tout en n’employant que le noir, M. Cot montre ici qu’on peut harmoniser les rouges et en atténuer l’intensité, au point d’obtenir uniquement avec cette couleur une gamme de colorations calmes et sévères qui convienne à la pose simple de la figure. La jeune femme est debout, le corps un peu tourné à gauche, la tête de face ; ses bras demi-nus se croisent l’un