école de prophètes qui soutenaient sa cause, il l’emporta sur ses adversaires. Mais son prestige s’évanouit dans sa victoire, car elle en montra du même coup la profonde illusion. On n’avait cessé de répéter que la force d’Israël résidait dans sa fidélité à Yahveh, et ce fut précisément à l’heure où cette fidélité devenait générale, où la ferveur publique était à son comble, qu’Israël tomba. Jamais démenti plus cruel n’avait été donné à l’espérance ! Jamais la vanité des promesses divines n’avait éclaté d’une manière plus terrible ! Assurément, si les juifs avaient été doués d’un tempérament moins robuste, si les faits avaient eu prise sur eux, s’ils avaient été capables de sacrifier la foi à l’évidence, ils se seraient rappelé, en présence d’une pareille catastrophe, les paroles de l’Assyrien : « Ne te laisse pas abuser aux promesses de ton Dieu ! Où sont les rois d’Arpad, de Hamath, de Separvaïm ? Quel est le peuple que son Dieu a jamais sauvé de mes mains ? » Le dieu d’Israël n’avait pas mieux tenu ses engagemens que ceux d’Arpad, de Hamath et de Separvaïm, il n’avait pas mieux sauvé son peuple des mains des ennemis, il ne l’avait par conséquent pas moins abusé. Pour échapper à une réalité aussi brutale en conservant le système religieux sur lequel reposait tout l’édifice social d’Israël, on dut recourir à des distinctions, à des explications, à des réserves, en appeler de la lettre à l’esprit, interpréter le contrat passé entre le peuple fidèle et son dieu d’une manière exclusivement morale, qui permît de laisser croire qu’il n’avait pas été violé. Il en résulta une seconde et plus profonde transformation de la conception divine. Grandi par ses propres échecs et par la défaite même de son peuple, le dieu d’Israël s’éleva au-dessus des agitations politiques qui ne purent plus l’atteindre qu’indirectement et temporairement, devint dieu unique et sans second, celui qui est ! à l’exclusion de tous les autres. Sans doute, il n’en resta pas moins la propriété principale d’Israël, qui l’avait deviné et adoré alors que personne ne le connaissait encore ; mais son régime dut s’étendre sur la terre entière, en dépit des insuccès partiels et temporels qui ne compromettaient pas son triomphe général et final.
Les derniers temps du royaume de Juda furent remplis par l’élaboration de cette idée nouvelle d’où le christianisme est sorti. Le dieu jaloux du premier mosaïsme, le dieu terrible qui avait besoin de sacrifices humains et dont la volonté implacable punissait les fautes des pères jusqu’à la quatrième génération, le dieu formaliste qui tenait avant tout aux pratiques extérieures, fit place à un dieu de justice et d’amour, au dieu d’Israël qui se plaignait de la multitude des sacrifices, « qui était rassasié d’holocaustes de moutons et de graisse de bêtes grasses, qui ne prenait point de