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lassé de la politique réformatrice. Au lendemain même du grand succès remporté au congrès de Berlin par Disraeli ou plutôt par lord Beaconsfield (c’était le nom nouveau qu’il avait pris en passant de la chambre des communes dans la chambre des lords) des symptômes de mécontentement commencèrent à se manifester. On venait d’avoir deux mauvaises récoltes. La situation économique et financière n’était pas merveilleuse. La politique de lord Beaconsfield dans les affaires d’Orient, malgré les résultats brillans qu’elle avait obtenus, n’était pas approuvée par tout le monde. Gladstone avait reparu dans l’arène ; il commençait une nouvelle campagne ; dans le parlement, dans les meetings, dans les banquets politiques, il dénonçait le premier ministre comme trahissant les intérêts de la chrétienté et les droits de l’humanité au profit de l’alliance turque. Dans les derniers mois de 1879, il parcourut une grande partie de l’Écosse, prononçant discours sur discours avec une intarissable facilité et avec une énergie qu’on n’aurait pas attendue d’un homme de cet âge. En même temps, il réclamait la dissolution du parlement, soutenant cette théorie bizarre, que, quoique la chambre des communes soit élue pour sept ans, elle ne doit pas siéger plus de six ans. Beaconsfield combattit la théorie, qui était en effet inacceptable ; cependant, en fait, il devança la date de l’expiration des pouvoirs du parlement. Le 8 mars, la dissolution fut annoncée, dans la chambre des lords par le premier ministre, dans la chambre des communes par le ministre des finances, sir Stafford Northcote. Le lendemain, Beaconsfield lançait son manifeste électoral, sous la forme d’une lettre au vice-roi d’Irlande, le duc de Marlborough. Il se prononçait avec énergie contre les revendications des home rulers : « Un grave danger, disait-il, un danger dont les conséquences peuvent être plus désastreuses que celles de la peste et de la famine, menace le pays. Une partie des habitans de ce royaume veut couper le lien constitutionnel qui unit la Grande-Bretagne et l’Irlande, rompre l’union qui a fait jusqu’à ce jour la puissance et la richesse des deux contrées. » Le parti libéral répondit par l’organe de lord Hartington. Dans une adresse aux électeurs du nord-est du Lancashire, le leader de l’opposition se prononçait contre le home rule, mais qualifiait en même temps d’excessives les craintes de lord Beaconsfield : « Aucun motif patriotique, disait-il, ne peut excuser dans mon opinion le langage exagéré dont s’est servi le premier ministre pour qualifier l’agitation irlandaise provoquée en vue du rétablissement du home rule. » M. Gladstone, en s’adressant aux électeurs du Mid-Lothian, en Écosse, fut plus explicite et plus agressif ; voici comment il s’exprima : « Ceux qui mettent en péril l’union de l’Irlande et de l’Angleterre sont ceux qui ont toujours voulu maintenir dans cette dernière contrée une église