étrangère au pays, y faire fonctionner une injuste loi foncière et n'accorder aux Irlandais que des libertés beaucoup plus restreintes que les nôtres. Les véritables défenseurs ide l'acte d'union sont ceux qui ont toujours défendu la suprême autorité du paiement et qui ne se sont jamais servis de cette autorité que pour unir les trois nations par le lien indissoluble que créent des lois d'égalité et de liberté. »
La campagne électorale était donc ouverte, bien que le parlement continuât à siéger pour l'expédition de quelques affaires urgentes. Le 19 mars, la session fut officiellement close. Le 31 mars, les élections commencèrent. Elles donnèrent lieu à une lutte ardente. Conservateurs, libéraux et home rulers firent assaut d'éloquence et surtout de passion. Gladstone, qu'on aurait pu croire épuisé par la campagne de meetings et de discours qu'il avait faite en Écosse quelques mois auparavant, étonna ses adversaires et ses amis eux-mêmes par un nouveau déploiement de moyens oratoires et de forces physiques. Pendant trois semaines, il fut sans cesse sur la brèche, se transportant de ville en ville, discourant partout, dans des salles de bal ou de concert, dans des clubs ou dans des théâtres, en plein air. Un jour, en chemin de fer, pendant l'arrêt du train, il harangua la foule de la portière de son wagon. Si l'on réunissait tous les discours qu'il a prononcés dans ces deux campagnes de 1879 et de 1880, on en ferait aisément une dizaine de volumes. On y trouverait du bon et même de l'excellent, mais aussi du mauvais et surtout du médiocre. Comment s'en étonner ? Le plus grand orateur du monde ne saurait être éloquent pendant un mois de suite et pendant douze heures par jour. On y trouverait aussi de regrettables imprudences. C'est alors qu'emporté par son ardeur contre la politique orientale de Beaconsfield, il déclara que les Turcs devaient quitter l'Europe avec armes et bagages. C'est alors que, non content de reprocher à l'Autriche l'annexion déguisée de la Bosnie et de l'Herzégovine, il lui lança la fameuse apostrophe : « Bas les mains ! » (Hands off ! ) Le mot était brutal : M. Gladstone a été obligé de s'en excuser plus tard auprès de l'ambassadeur autrichien à Londres.
Dès le premier jour des élections, le succès se dessina en faveur de l'opposition. Les libéraux, dans cette seule journée, avaient gagné vingt-quatre sièges, tandis qu'ils n'en perdaient que neuf. Leur organisation électorale était très supérieure à celle des conservateurs. Dans les principales villes ils avaient créé de longue date des comités électoraux appelés caucus, d'un nom emprunté à l'Amérique. Ces comités, qui correspondaient entre eux, couvraient d'une sorte de réseau toute la Grande-Bretagne. Joignez à cela la réaction naturelle et presque inévitable contre un parti qui avait occupé le pouvoir pendant six ans. Joignez-y la campagne oratoire de Gladstone ; joignez-y enfin les larges sacrifices d'argent de