de l’interpréter rationnellement. Le devoir public d’assistance ne saurait entraîner pour l’individu le droit de réclamer du travail ni par la force ni par voie d’action en justice. L’état ne peut s’engager d’une manière générale et vague à donner des places ou du travail à tous ceux qui en demandent, même au médecin sans malades, à l’avocat sans causes, au poète sans lecteurs. Il ne peut se faire non plus quincaillier, marchand de modes, fabricant de meubles, décorateur d’appartemens. Il ne peut, en un mot, se substituer à l’individu ni créer artificiellement pour lui des emplois, ni faire continuer artificiellement la production de tels ou tels objets déterminés au moment même où le chômage révèle que cette production avait été excessive et devait s’arrêter. Le droit purement moral des indigens n’engendre ici qu’un devoir moral de la société, devoir de justice réparative et de fraternité tout ensemble. Comme d’ailleurs chaque devoir demande une satisfaction dans la mesure du possible, la société doit progressivement assurer cette satisfaction par les moyens qu’elle juge les meilleurs. Mais elle ne peut accorder son assistance aux individus valides que sous des conditions déterminées et par une convention réciproque. C’est un contrat synallagmatique dont toutes les clauses doivent être débattues avec soin. Ici plus qu’ailleurs, le droit à l’assistance est limité de mille manières, non seulement par le droit de propriété individuelle, mais encore par les ressources réelles des états, par les impossibilités pratiques, enfin par les conséquences mêmes qu’il entraînerait si on l’étigeait en droit absolu et positif. Il n’irait alors à rien moins qu’à se détruire lui-même. Rappelons-nous en effet que,
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