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mêlées de toute sorte de péripéties, après les opérations d’un nouveau siège, qu’il touchait enfin au dénoûment du redoutable drame. Le 10 mai, le traité définitif était signé à Francfort entre M. de Bismarck et les plénipotentiaires français; le 21, l’armée de Versailles entrait de vive force dans Paris pour disputer pendant sept jours la malheureuse ville à cette insurrection qui avait commencé par le meurtre, qui finissait par les massacres et par les incendies. Cette fois, si chèrement qu’elle fût achetée, c’était la paix, la paix intérieure aussi bien que la paix extérieure, et maintenant commençait pour M. Thiers une œuvre qui n’était pas moins difficile, à laquelle il attachait son orgueil : la liquidation de la guerre étrangère et de la guerre civile, la réparation des ruines et des désastres légués par « l’année terrible » à la France!


III.

Le jour où l’armée de Versailles, qui pouvait justement s’appeler l’armée de la civilisation, rentrait dans Paris en flammes, on se trouvait en face d’une situation allégée, il est vrai, d’un cruel fardeau, accablante encore cependant. Après les ravages de l’invasion aggravés par les ravages de i insurrection, le moment était venu de se reconnaître, de se ressaisir pour ainsi dire dans l’immense dévastation, de régler tous les comptes, et la tâche était d’autant plus ardue qu’il y avait tout à faire à la fois. Il y avait à réaliser la paix jusqu’au bout par la diplomatie, à rapatrier des prisonniers sans nombre pour retrouver les élémens d’une armée, à rétablir l’ordre troublé « par une subite apparition de l’anarchie, » à réorganiser l’administration et les finances, à relever le crédit et à raviver le travail pour arriver à payer les colossales rançons de la défaite ; il y avait aussi à résoudre un jour ou l’autre les questions les plus graves, les plus délicates de l’ordre politique et constitutionnel. Il y avait en un mot « à faire qu’il y eût encore une France dans le monde ! »

C’était la pensée, la passion de M. Thiers, qui, à peine entré au gouvernement depuis quelques heures, embrassant d’un regard ferme toute cette situation et se décidant en homme d’action, avait sur-le-champ tracé avec autant d’émotion que de justesse le programme des circonstances. « En présence d’un pareil état de choses, avait-il dit dès le 19 février, y a-t-il, peut-il y avoir deux politiques? N’y en a-t-il pas une seule forcée, nécessaire, urgente, consistant à faire cesser le plus promptement possible les maux qui nous accablent?.. Pacifier, réorganiser, relever le crédit, ranimer le travail, voilà la seule politique possible et même convenable en ce moment. A celle-là tout homme sensé, honnête, éclairé, quoi qu’il pense sur