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lettres que le duc lui avait écrites. Le moment était mal choisi : en Languedoc, les protestans étaient en armes ; un autre La Renaudie, Maligny, était devenu l’âme d’une nouvelle conspiration dont le prince de Condé passait pour le chef. Prévenus à temps, les Guises firent face résolument aux dangers qui les menaçaient. Avec cette facilité qu’elle avait de changer de conduite suivant les événemens, Catherine, qui, en appelant L’Hospital, avait paru un instant favorable aux idées de transaction, se retourna du côté des Guises, Endormant les défiances des Bourbons, elle les attira à Orléans. Condé fait prisonnier, mis au secret, se croyait perdu lorsque la mort inattendue de François II vint le sauver du dernier supplice. Des mains des Guises, le pouvoir passa à celles de Catherine et du roi de Navarre, devenu l’arbitre de la situation. Pour la première fois, les chances tournaient en faveur de Françoise de Rohan. Suivis de leurs amis, ses trois frères accoururent à Paris, décidés à forcer le duc, fût-ce même par les armes, à rendre l’honneur à leur sœur. Ainsi menacé, le duc recourut à ses partisans et se fit accompagner par eux. Des deux côtés on était prêt à en venir aux mains. Cette querelle particulière pouvait provoquer une nouvelle guerre. Les Rohan étaient tous protestans ; Catherine intervint ; elle arracha aux deux partis la promesse de renoncer à la voie des armes et de s’en tenir à celle de la justice. De part et d’autre, on y consentit, et l’on se borna à faire entendre de nouveaux témoins. L’affaire reprit régulièrement son cours avec des chances toutefois moins favorables pour le duc, car Catherine, mal alors avec les Guises, qui s’étaient retirés de la cour, cherchait les occasions d’être agréable au roi de Navarre et à Jeanne d’Albret : elle affectait ostensiblement de vouloir désormais rester neutre ; mais, par un brusque et nouveau revirement, elle allait devenir tout à fait hostile au duc de Nemours. En voici la cause : Denise, l’une de ses femmes, sollicitée, à ce que croit Brantôme, par le roi de Navarre, vint la prévenir que le duc de Nemours devait enlever le duc d’Orléans. Interrogé par sa mère, le jeune prince confirma le dire. Catherine crut y voir la main des Guises et l’intention bien arrêtée de faire de son fils le chef des catholiques. Elle se plaignit hautement de l’ingratitude de Nemours après tout ce qu’elle avait fait pour lui, et elle aurait ordonné de l’arrêter si, prudemment, il ne s’était réfugié en Savoie. Il ne fallut rien moins que la prise d’armes des protestans en 1562 et le besoin que Catherine avait du secours amené de Savoie par le duc de Nemours pour lui faire oublier « son lâche tour, » ainsi qu’elle qualifiait sa conduite dans le premier moment de sa colère.

Ainsi le procès de Françoise de Rohan, subissant toutes les phases