Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 53.djvu/671

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la guerre civile, se traîna de remises en remises jusqu’au mois de septembre 1562. Le siège avait été mis devant Bourges ; le duc de Nemours y prit une part active et négocia la capitulation de la place. C’est à ce moment que se produisit un singulier incident qui sembla un instant mettre fin à l’interminable procès. Un gentilhomme nommé Rosé, appartenant à la maison du roi de Navarre, reçut, signée du duc, une promesse « de solenniser son mariage avec Françoise de Rohan » et de reconnaître son fils, à la seule condition qu’elle se rendrait le 15 septembre prochain à Langeais et que, d’ici là, elle s’abstiendrait d’en parler à qui que ce fût au monde, car la faute de trahir ce secret rendrait nulle la promesse. Était-ce l’œuvre d’un faussaire, ou bien la mort du roi de Navarre, survenue deux mois plus tard, enlevant à Françoise son meilleur appui, fit-elle changer le duc brusquement d’avis ? Toujours est-il que, manquant une seconde fois à sa parole, il reprit l’instance, demandant à prouver que l’on avait voulu intimider ses témoins et qu’on les avait violentés ; il somma le juge de l’official de Paris de se transporter sur les lieux où ceux-ci se trouvaient. C’était demander l’impossible : par ce temps de guerre civile, les routes étaient peu sûres, et les témoins disséminés, les uns en Anjou, les autres au camp du roi. Françoise répondit à cette étrange requête en citant le duc de Nemours devant le parlement. Le 23 février 1563, elle obtenait contre lui un premier jugement par défaut. Mais, par une sorte de fatalité, les événemens se retournèrent encore contre elle. La mort du duc de Guise, assassiné par Poltrot, ayant rendu toute liberté à sa veuve, Nemours, qui en était plus que jamais épris, interjeta sur-le-champ appel de ce jugement.

Les convenances condamnaient la duchesse de Guise à une année au moins de retraite ; elle ne reparut à la cour qu’au mois de mars de l’année suivante. On venait de passer par une longue et sanglante guerre civile, on venait de reprendre le Havre sur les Anglais au cri de : « Vive la France ! » Pour fêter ce glorieux fait d’armes, des fêtes splendides furent données à Fontainebleau. La cour, qui en avait été si longtemps privée, eut, comme après toutes les grandes crises, une vraie fièvre de plaisir. Mais, tandis que Condé, en dépit des remontrances sévères de Calvin, ne se contentant point de Mlle de Limeuil, s’attaquait à toutes les filles d’honneur, le duc de Nemours n’eut d’yeux à Fontainebleau que pour la duchesse de Guise, qui, de son côté, se montra très accommodante. Brantôme, si bien renseigné, y fait une maligne allusion : « Une très grande et des belles du monde, veuve de frais, faisoit semblant, pour son nouvel habit et estat, n’aller les après soupées voir la cour, ni le bal, ni le coucher de la reine, laissoit aller et renvoyoit un