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où il penchait et déplaçant son centre de gravité, pouvait le faire chavirer. De là la construction « cellulaire » aujourd’hui en usage. Le navire a deux coques, l’une intérieure à l’autre, et, entre elles, un croisement de cloisons horizontales et verticales forme un réseau de cellules closes de toutes paris : tantôt elles sont vides, tantôt pleines de substances à la fois spongieuses et comprimées. Si le choc qui brise la coque extérieure laisse intacte la seconde, un alvéole seul est rempli, le navire n’a pas à souffrir. Quand on n’aurait pas obtenu d’autre résultat, il le faudrait estimer très haut. Nombre d’avaries qui ont ouvert la coque unique d’un navire et causé sa perte auraient respecté une coque intérieure. Quand s’échoua, à Lorient, le cuirassé de premier rang, la Dévastation, il talonna cinq jours sur un récif à pointes aiguës. Son bordage extérieur subit des déformations énormes : sa coque intérieure ne fut pas disjointe. L’utilité de ce système n’est pas moindre au cas où les deux coques seraient percées. Si la cellule ouverte contient une substance que gonfle l’humidité, le trou fait par un projectile se trouvera aussitôt bouché, et l’eau servira ainsi à obstruer le passage de l’eau. Si, les cellules étant vides, un choc en crève une ou plusieurs, la mer peut envahir par cette voie un compartiment étanche, mais, autour de la portion conquise par elle, les cellules intactes forment une cuirasse d’air qui maintient droit et à flot le navire. Dès lors le blindage a cessé d’entourer les coques insubmersibles ; elles n’ont plus besoin d’être impénétrables.

Dans les machines et les soutes, au contraire, rien ne doit pénétrer ; mais de même qu’on avait su défendre la muraille du navire, on chercha à en protéger les parties vitales sans les alourdir d’un poids superflu. Au temps où l’on cuirassait les coques, il n’avait pas échappé aux ingénieurs qu’une faible épaisseur d’eau suffit à amortir la force et à détourner la marche des projectiles, aussi le blindage ne descendait-il pas à 1m, 50 au-dessous de la flottaison. Les machines et les soutes furent placées dans les fonds du navire ; c’était, partout où elles touchent la coque, les défendre par une cuirasse d’eau. Elles demeuraient en butte aux coups dirigés contre les œuvres mortes, mais là les parties vitales ne sont plus en contact avec les murailles extérieures et l’espace intermédiaire, ne fût-il rempli que des approvisionnemens nécessaires à la navigation, fait obstacle à la marche des projectiles : or les besoins de la navigation placent près des machines, en quantités considérables, une substance résistante et compacte, le charbon. Des expériences ont établi qu’avec une épaisseur quinze fois plus forte, il oppose à l’obus la résistance d’une plaque métallique. Il est vrai qu’avec une épaisseur huit fois plus grande, il atteint le même poids. Sa pesanteur augmente donc de deux quand sa protection augmente de un, et à