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mort, lui avait laissé peu à faire ; il n’y avait pas là de quoi occuper l’activité de M. Floquet. Peut-être eût-il réalisé de grands projets et achevé de grands travaux, avec le concours si précieux de M. Alphand. Souvent, dans les discussions d’affaires, le conseil avait la bonne fortune de les entendre l’un après l’autre. M. Floquet parle en avocat de talent ; il indique à grands traits les résultats généraux d’une entreprise plutôt que les détails d’exécution ; il ne craint pas d’élever le ton et il sait trouver, à propos du percement d’une rue ou de la création d’un égout, de véritables mouvemens oratoires. M. le directeur des travaux ne possède ni l’ampleur de ses gestes ni la richesse de ses périodes ; mais rien n’égale la clarté et l’intérêt des explications qu’il est sans cesse appelé à fournir : c’est un orateur d’affaires consommé. M. Alphand a passé la soixantaine sans rien perdre de l’ardeur d’un jeune homme ; il a toujours vécu au milieu d’hommes politiques sans se mêler à leurs luttes et probablement sans partager leurs passions. Il n’a qu’une ambition : embellir Paris. Il a exclusivement consacré à ce grand travail une intelligence, une activité, une persévérance merveilleuses. Sa parole devient nerveuse et trahit de l’impatience dans les fréquentes occasions où la timidité du conseil entrave ses projets et marchande quelques millions aux embellissemens de Paris. M. Alphand a poursuivi son œuvre à travers quelques révolutions et sous une série presque innombrable de préfets et de ministres. Il n’a pu prendre de repos que pendant la commune, ce gouvernement ne s’étant jamais occupé d’embellir la capitale.

M. le préfet et M. Alphand entamèrent avec la compagnie des négociations nouvelles. En même temps, M. Floquet soumettait aux avocats de la ville l’interprétation de l’article 48. Ces jurisconsultes furent tout à fait d’accord avec la commission de la voirie. Ils reconnurent que les rédacteurs du traité, prévoyant des progrès dans l’art de distiller la houille et d’en employer les résidus, avaient voulu maintenir certaine proportion entre le prix de vente et le prix de revient du gaz, et que le préfet, sur l’avis du conseil municipal, avait le droit d’ordonner par arrêté la diminution. Ils admirent même qu’il n’était pas nécessaire de consulter la commission scientifique. Cependant les avocats de la ville ne pouvaient pas refuser à la compagnie tout recours contre un arrêté préfectoral. Le droit à l’abaissement est incontestable ; mais sur le quantum de l’abaissement, les opinions peuvent varier. Si donc la compagnie se croyait lésée, on lui laissait la ressource de se pourvoir devant le conseil de préfecture, et la ville de Paris pouvait se voir condamnée à lui payer des dommages-intérêts.

Il importerait donc, si l’on se décidait à suivre cette procédure, de recommencer une sévère expertise de la fabrication du gaz et de se rendre rigoureusement compte de l’abaissement du prix de