à tous, qui pour tous est la même et dont personne n’est dispensé. Désormais ce sera celle de toute la partie de la nation qui peut s’instruire, des fils de marchands et de cultivateurs comme des nobles, des laïques ou des clercs. Beaucoup n’en auront pas d’autres, pour ceux qui la compléteront plus tard par une instruction professionnelle, elle sera toujours le fondement et la base du reste. Ainsi s’est formée chez toutes les nations de l’Europe une classe nombreuse d’hommes éclairés, actifs, libéraux, pourvus d’idées générales, ayant le sentiment de leur dignité et de leurs droits ; c’est de là qu’est sortie la bourgeoisie, dont le pouvoir a presque partout remplacé celui des seigneurs et des prêtres, et qui, pendant trois siècles, a gouverné le monde.
Ces réformes sont si importantes, elles ont eu des conséquences si graves qu’on a été très curieux de savoir d’où elles viennent et qui en a eu le premier l’idée. Ce sont là des questions qu’il n’est pas toujours aisé de résoudre. Quand une innovation est légitime, attendue, préparée, il peut arriver qu’elle se produise en même temps de divers côtés à la fois. Celle-ci était si naturelle qu’on la voit déjà poindre aux limites du moyen âge. M. Thurot a montré que, dès le XVe siècle, la rhétorique essaie de se glisser jusque dans l’Université de Paris, le sanctuaire de la scolastique, que les étudians paraissent témoigner un peu plus de goût pour la littérature et la poésie, malgré les mépris des théologiens et des maîtres ès-arts, qui affectent d’appeler grammairiens, c’est-à-dire maîtres d’école, tous ceux qui les cultivent. Au siècle suivant, la réforme est partout victorieuse. De tous les côtés on l’accepte avec le même plaisir ; elle s’établit et règne en maîtresse chez les jésuites aussi bien que dans les écoles protestantes. L’université se fait un peu plus prier, mais elle finit par la subir d’assez bonne grâce. Dans cette sorte de faveur universelle qu’elle a rencontrée, il est assez difficile de savoir qui en a eu la première idée, et de divers côtés on en a résumé l’honneur. La vérité paraît être que les principes essentiels en ont été enseignés d’abord dans l’université même, par Lefebvre d’Étaples et Nicolas Cordier, mais qu’elle n’a été appliquée dans son ensemble pour la première fois qu’au gymnase de Strasbourg, fondé par Jean Sturm en 1538.
Qu’elle vienne de chez nous ou d’ailleurs, c’est en France qu’elle a été accueillie avec le plus d’empressement. Elle était dans notre génie ; aucun pays ne l’a plus largement appliquée, aucun n’a tiré plus de profit que le nôtre de cette éducation littéraire et humaine. Nous lui devons nos deux grands siècles classiques : aux poètes et aux orateurs du XVIIe elle a donné ce qui est l’âme de la poésie et de l’éloquence, un public qui pût les comprendre ; elle a préparé des disciples aux penseurs du XVIIIe ; elle a fait notre tiers-état