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été comme le programme des dernières élections, il n’est peut-être pas impossible de démêler à travers tout la vérité telle qu’elle est, de fixer quelques points caractéristiques.

Ainsi, il est certain que les Italiens, après avoir eu pendant quelque temps des mouvemens d’ambition agitée et de surexcitation agressive, se sont calmés. Ils ont eu des illusions un peu trop entretenues par le ministère, par M. Mancini, qui s’est flatté un moment d’avoir introduit l’Italie dans l’alliance des grands empires, d’avoir contribué à former une sorte de coalition nouvelle ; ils n’ont pas tardé à s’apercevoir qu’ils s’étaient abusés, qu’ils n’avaient pas conquis M. de Bismarck, qu’ils ne pouvaient pas même espérer avoir à Rome la visite de l’empereur d’Autriche, et qu’à vouloir multiplier les armemens pour des desseins inconnus, inavoués, ils risquaient de se ruiner sans compensation et sans profit. Vainement des hommes comme M. Crispi, M. Nicotera, se sont efforcés, dans les élections, de réchauffer le sentiment national, de réveiller des passions belliqueuses dans un intérêt de popularité : ils ont trouvé peu d’écho au scrutin, et, s’ils ont été élus eux-mêmes, ils ne l’ont pas été sans contestation. La vérité est que les élections se sont faites contre la politique de perpétuelle animosite à l’égard de la France, contre les vaines poursuites d’alliances chimériques, contre les armemens ruineux, et qu’elles ont bien plutôt donné raison à la politique d’apaisement que M. Depretis avait exposée dans son discours de Stradella, qui s’est traduite plus récemment dans la nomination d’un ambassadeur italien à Paris : au fond, c’est là peut-être ce que le discours du roi ne pouvait pas dire, mais ce qui est dans cette situation où un certain nombre de mécomptes ont ramené les Italiens à un sentiment plus juste, plus exact du rôle auquel ils peuvent prétendre en Europe.

Il y a un autre fait à dégager de tout ce mouvement récent dont le discours royal ne donne pas une idée bien précise et bien saisissable. M. Depretis, qui est un vieux et habile tacticien, qui se trouve placé aujourd’hui en face d’une majorité encore inconnue, M. Depretis ne pouvait trop accentuer ses préférences entre les partis ni laisser trop voir où il irait chercher des alliés dans le cas où il aurait à reconstituer son ministère. Il ne pouvait pas le dire, il ne le sait peut-être pas lui-même. Il n’est pas moins certain que, s’il appartient à la gauche par son passé, il s’est montré plein de modération et de prudence par les opinions qu’il a exprimées à Stradella, qui ont passé dans le discours du roi, sur la nécessité de défendre la monarchie et les institutions, de protéger la tranquillité, et, par là, il se rapproche des anciens libéraux modérés. Entre eux une alliance n’est plus impossible, de telle façon que ce qu’il y a de. plus clair en tout cela, c’est l’affirmation nouvelle d’une politique toute monarchique, modérée à l’intérieur, pacifique à