reprises ranimé son courage, et ne lui eût inspiré l’énergie, l’esprit d’intrigue, parfois même la témérité. Son père en mourant lui avait constitué une dot de 300,000 écus, sous la condition expresse qu’elle épouserait un prince. Marie se préoccupa toujours de s’assurer le bénéfice de cette clause. En attendant un époux dont le rang répondît au sien, elle partageait son temps entre Nevers et Paris ; Louis XIII lui avait accordé le gouvernement du Nivernais et lui laissait exercer dans cette province une sorte de vice-royauté ; à Paris, elle habitait le bel hôtel de Nevers, s’entourait d’une petite cour de beaux esprits et fréquentait de préférence le monde de haute race et de goûts polis qui se donnait rendez-vous chez la marquise de Rambouillet plus encore qu’au Louvre.
Dans cette société, l’amour formait la principale occupation ; tout se rapportait à lui ; c’était en son honneur qu’une littérature raffinée épuisait ses grâces un peu fades et qu’une vaillante noblesse allait guerroyer contre l’Allemand ou l’Espagnol. Dans le cercle où vivait Marie, point de dame qui n’eût inspiré quelque attachement chevaleresque : elle-même n’échappa pas à la commune destinée. Celui qui osa élever ses regards jusqu’à elle était presque un enfant, mais il s’appelait Cinq-Mars, et avait inspiré au roi une affection qui allait jusqu’à l’engouement ; Richelieu commençait à le craindre, et dans ce favori de vingt ans la cour pressentait un futur premier ministre. Le bruit de son inclination pour une princesse de maison souveraine se répandit promptement ; la malignité s’en empara. À cette époque, Louis XIII ne pouvait encore se passer de la compagnie de Cinq-Mars, et le retenait auprès de lui tout le jour au château de Saint-Germain. Personne n’ignorait que, le soir venu, le jeune homme se dérobait par des ruses d’écolier à la jalouse tendresse de son maître, sautait à cheval, et courait à Paris d’un trait. Jadis il allait à cette heure chez Marion de Lorme ; maintenant, on se disait tout bas qu’au lieu de suivre son chemin accoutumé, il se rendait à l’hôtel de Nevers et y laissait s’écouler de longues heures en de doux entretiens ; sa passion, ajoutait-on, n’avait fait que changer d’objet, et Marie de Gonzague avait pour lui remplacé Marion.
Rien n’était moins fondé, hâtons-nous de le dire, que ces suppositions injurieuses. Les relations de Marie avec Cinq-Mars forment peut-être l’épisode le moins romanesque de sa vie. Dans cette liaison, qui suivant toute apparence s’est bornée à des engagemens réciproques et à un échange de lettres, il semble que, de part et d’autre, l’ambition ait remplacé ou du moins précédé l’amour. Cinq-Mars poursuivait une union qui flattait son orgueil et devait servir sa fortune ; Marie n’avait accepté ses hommages que sous