catholique. Aussi devons-nous le conserver avec le plus grand soin. On nous invite parfois à lui substituer le protectorat de tous les chrétiens, sans distinction de communautés. C’est là un mirage auquel on ne saurait se laisser séduire lorsqu’on connaît l’Orient. Jamais les orthodoxes ne viendront à nous ; protégés par la Russie, par la sainte Russie, dont le prestige est plus grand que tous les autres en Orient, on ne leur persuadera jamais de renoncer à elle pour se mettre sous notre égide. On ne saurait croire combien profonde est l’influence russe dans toutes les contrées orientales. Les chrétiens sont convaincus que c’est de Russie qu’arrivera le salut, et les musulmans de leur côté croient que c’est de là que sortira leur ruine. Mille légendes, mille prophéties annoncent ces grands événemens. Tout le monde y croit ; tout le monde attend l’armée moscovite ; au moindre incident on s’imagine qu’elle marche, qu’elle est là ! J’ai été frappé de ce phénomène en Égypte durant ces derniers mois. Chaque jour le bruit courait que les Russes se dirigeaient sur le Caire pour chasser les Anglais et s’y établir à leur place ; et, chose curieuse ! les musulmans ne s’en réjouissaient pas moins que les chrétiens. Habitués à l’idée que tôt ou tard ils seront subjugués par la Russie, de toutes les dominations, c’est la sienne qui leur répugne le moins. Il est donc évident que jamais les orthodoxes, les Arméniens, etc., ne se détourneraient de la Russie pour s’unir à nous. Les avances que nous leur ferions ne serviraient qu’à effrayer les catholiques qui se persuaderaient que nous voulons les abandonner et qui se jetteraient alors entre les bras de l’Italie ou de l’Autriche. Nous lâcherions la proie pour l’ombre, la réalité pour une utopie.
Ainsi, plus on examine le protectorat catholique, plus on l’étudie sous toutes ses faces, plus on reconnaît combien il serait insensé de notre part de songer à l’abandonner. Il nous assure dans l’Orient méditerranéen une situation exceptionnelle qui n’a d’égale que celle que le protectorat orthodoxe donne à la Russie. C’est une force morale immense, et qui pourrait augmenter encore si nous savions nous en servir. La Russie, à cet égard, nous est bien supérieure. C’est par l’action qu’elle exerce sur les populations chrétiennes qu’elle prépare ses conquêtes, ce qui lui est d’autant plus facile qu’il n’y a pas de contradiction entre sa politique intérieure et sa politique extérieure, et qu’elle est sainte au dedans comme au dehors. Nous ne demandons assurément pas que la France suive cet exemple, peut-être néanmoins sera-t-il sage de ne pas pousser trop loin la guerre religieuse où nous sommes engagés. Il faut prendre garde aux coups qui s’égarent et qui vont tomber au loin sur des contrées où notre influence est attachée au catholicisme. Je crois avoir prouvé que c’est aux congrégations que nous devons la plus